Les insomniaques seront d’accord avec Gaëlle Josse, il règne durant la nuit une ambiance particulière et la romancière en tire des micro-fictions délicates et émouvantes. Ceux qui peinent à trouver le sommeil sont soucieux pour leur travail, leur famille, ou au contraire sont tout entiers envahi par un amour qui s’éveille. « C’est l’heure des aveux, des regrets, des impatiences, des souvenirs, de l’attente », écrit Gaëlle Josse.
« Nos nuits éveillées parlent d’étreintes, d’une silhouette évanouie, d’un geste retrouvé, de solitudes accrochées au mur. » On y croise un père qui attend des nouvelles de sa fille à Hong Kong, mais c’est sans compter le décalage horaire, ou ce cadre qui se retrouve découragé, dans un hôtel sans charme. La nuit, dans un autre texte, « la nuit est noire, seulement traversée par le faisceau des phares des rares voitures qui empruntent cette rue. »
Une succession de situations somme toute que nous avons tous pu connaître.
C’est la force de Gaëlle Josse, décrire ces histoires banales et les retranscrire avec une sorte de poésie attendrie pour ses personnages, qu’ils soient en attente d’embarquement à Roissy ou quand un couple se défait. « La nuit murmure, la nuit qui ressemble à ton visage, la nuit peur d’enfance », prévient l’auteure. Tout peut se passer dans le clair-obscur des heures de la nuit : « Parfois les fantômes nous rendent visite », parait-il. On peut désirer la nuit, rester en veille, écouter le silence de l’ombre. C’est aussi le sommeil qui peut se refuser, alors même que la fatigue envahit les esprits. Mais voilà : la nuit nous révèle à nous-même, elle nous confronte au réel, c’est l’heure des comptes. « On ne triche plus. Ce sont les heures sentinelles de nos histoires, de nos petites victoires, de nos défaites », écrit Gaëlle Josse.
Alors que nous sommes censés dormir, il s’en passe des choses la nuit.
Les noctambules interpellent, on se demande quelle est la raison qui les pousse dehors en pleine nuit, ce qui les tient éveillés : « Qui sont-ils, tous ? Où vont-ils aux heures les plus obscures de la nuit ? Qui les attend ? ». D’autres sont incapables de dormir, insomniaques et malheureux : c’est « la nuit à contretemps, la nuit des loups, la nuit des tremblements d’âme. » Durant la nuit, c’est toute la vie qui est reprise, redessinée, la vie rêvée peut-être… C’est juste quelques pages, parfois une simple phrase : « La nuit chambre d’hôpital les draps blancs la main tenue. » Gaëlle Josse raconte par petites touches, ces êtres d’une nuit ou ces éveillés chroniques, qui occupe cet « espace temps » mystérieux. A en croire les titres de ses ouvrages précédents, la nuit au cœur de son travail, avec, par exemple, « La nuit des pères » en 2022, « L’ombre de nos nuits » en 2016 et encore « Ce matin-là » en 2021. Et au bout de la nuit, il y a le jour : « Les heures profondes de la nuit sont aussi les premières du matin, un matin qui s’ignore et n’a rien à dire au jour, un matin enveloppé de ses ténèbres comme dans un manteau d’hiver. » J’espère que vous avez passé une bonne nuit.
« A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?, de Gaëlle Josse, est publié chez Notabilia.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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