Le cinéma, la peinture et la littérature ont longtemps nourri les fantasmes sur l’Empire romain. Un empire fascinant qui continue de révéler ses secrets deux millénaires plus tard. Faire la part entre mythe et réalité, c’est en tout cas ce que s’attelle à faire l'historien Dimitri Tilloi d'Ambrosi auteur de "La Rome antique , Vérités et légendes", publié en août aux éditions Pérrin.
Premier constat, les repères temporaires traditionnellement établis pour la Rome Antique, seraient erronés. On situe la fondation de Rome au 8ème siècle avant JC, et plus particulièrement à 753 avant Jésus-Christ. Mais « on peut discuter la véracité de cette date, parce que les archéologues montrent qu’en réalité Rome est plus ancienne que ne le laissent penser les auteurs antiques. On pense qu’une communauté pérenne se développe à partir du 10ème siècle avant JC », explique l’historien. Même chose pour le repère de fin de cet empire, fixé habituellement au 5ème siècle après JC, mais les historiens discutent cette limite et certains font remarquer que la partie orientale a continué à prospérer pendant deux siècles.
Dans l’imaginaire collectif, on a tendance à penser que Rome a imposé sa culture à tout ses pays. Si elle a imposé un système politique, fiscal et administratif, « les élites locales en réalité ne se sont jamais totalement vu imposer le modèle culturel romain, c’est même plutôt l’inverse ». Et l’historien d’expliquer que par souci d’assimilation, et même d’association avec le pouvoir, les élites locales ont voulu imiter le conquérant. Le reste de la population a elle aussi suivi, tout en gardant tout de même de nombreux particularismes locaux, qu’ils soient religieux, culturels, linguistiques ou vestimentaires. « Donc, en réalité, il est plus juste de voir un empire métissé plutôt qu’un empire depuis le centre duquel, la culture du vainqueur, s’imposerait au peuple conquis », résume Dimitri Tilloi d'Ambrosi.
Quant à l’armée romaine, décrite souvent comme puissante (à l’exception de la BD Astérix), elle n’était pas si infaillible que cela. « Il est vrai que c’est une armée redoutablement organisée et efficace sur le champ de bataille et sur la mer, et qui a permis à Rome d’acquérir un immense empire en quelques siècles […] mais cette armée a pu connaître des défaites », notamment en Germanie, rappelle l’auteur de "La Rome antique , Vérités et légendes". Surtout, cette armée n’était pas si grande qu’on le pense. « Elle dispose d’environ 150 000 légionnaires, à peu près autant d’auxiliaires, ce qui fait 300-350 000 pour protéger tout l’empire », détaille-t-il. Un manque d’effectifs souvent source de tension, et qui a parfois nécessité l’envoi de renfort venus d’autres régions de l’empire.
Néron, Caligula et Commode font sans doute partie des empereurs les plus connus, du fait de l’excentricité, la folie et la cruauté qu’ils incarnent. Pourtant, si certains éléments « reposent sur une vérité [notamment en ce qui concerne Caligula], il faut être prudent » vis-à-vis des sources antiques, affirme Dimitri Tilloi d'Ambrosi. En effet, à l’époque les historiens ne se soucient pas spécialement du factuel, l’important étant de tirer un enseignement moral d’une histoire. Par conséquent, il est possible que certains auteurs antiques aient inventé ou exagéré des faits, afin de désigner tel ou tel empereur comme une figure à éviter. « Le mauvais empereur c’est celui qui est cruel, qui s’adonne à la débauche sexuelle, voire à l’inceste et la récurrence de ces lieux communs, nous montrent bien qu’en fait il s’agit de portraits très stéréotypés », explique-t-il. Des histoires à prendre donc avec des pincettes.
Du pain et des jeux. La célèbre expression est bien choisie, car les Romains sont effectivement férus de spectacles. « Il est vrai que les divertissements, comme les combats de gladiateur ou les courses de chars, font tout à fait partie de la civilisation romaine et d’un ensemble de valeurs culturelles propres à la cité », confirme l’historien. Néanmoins, les Romains ne sont pas fainéants pour autant et les jeux ne constituent évidemment pas l’entièreté de leur temps. Quant au fait que cette société soit porté sur l’orgie et la débauche, c’est plutôt faux. « En réalité la norme morale sociale est omniprésente […] Et donc on attend du citoyen romain qu’il se conforme à des vertus et des valeurs notamment une sorte de sobriété, de contrôle de soi pour être digne de sa citoyenneté et faire en sorte que le jeu politique et social fonctionne correctement », synthétise-t-il.
Voilà, quelques mythes nuancés par l’historien, qui en démonte bien d’autres dans son livre "La Rome antique , Vérités et légendes".
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