Avec ce sixième tome de "L'Arabe du futur", Riad Sattouf conclut son autobiographie en bande dessinée et s'impose comme un des maîtres du roman graphique contemporain. Un album plus sombre que les précédents, qui interroge la fabrique de l'auteur de BD, les liens familiaux et les chemins de la résilience.
"L’Arabe du futur" est une bande dessinée importante et Riad Sattouf, son auteur, est en train de devenir un boss dans l’univers de la BD française. J’ai déjà sur cette antenne longuement parlé des "Cahiers d’Esther", son autre série culte qui suit une jeune Parisienne depuis l'âge de ses 10 ans à raison d’une planche par semaine soit un album par an. C’est drôle, tendre et parfois cru, mais toujours très bienveillant.
Riad Sattouf parle de lui. C’est vraiment son autobiographie en bande dessinée où on retrouve sa verve pour croquer la jeunesse, sa très haute acuité pour observer le réel. Mais aussi beaucoup d'autodérision même si ce dernier tome est peut-être plus sombre que les précédents.
Avant d'être l'auteur de BD bien connu, c'est le fils d'un Syrien et d'une Bretonne qui voit le jour à la fin des années 70. Jusqu'à l'âge de ses 12 ans, Riad Sattouf grandit entre la Libye et la Syrie, où il reçoit une éducation arabe avec un père qui vénère Kadhafi et Assad. Pour lui, les leaders libyen et syrien sont les chantres d'une modernité arabe, ils sont en train de faire naître "l'Arabe du futur" que sera un jour, son père en est certain, le petit Riad. Je ne vais pas tout vous raconter six tomes, ce n'est pas rien ! Mais la petite famille va finir par revenir en France, les parents vont divorcer, le père repartir en Syrie et, drame suprême, enlever Fadi, le jeune frère de Riad.
Riad grandit entre une mère dépressive aux mains de tous les gogos qui lui font miroiter le retour de son fils. Et ce père absent, mais qui ne cesse de le hanter pour lui rappeler ce que doit être un bon arabe. À l'école, Riad est nul en cours et puis surtout, il est la risée de la classe. La jeunesse est cruelle, il n'a pas les codes, pas le physique de beau gosse, sa virilité n'est pas affirmée comme il le faudrait. En fait Riad est profondément mal dans sa peau tourmentée par sa culpabilité dans l'enlèvement de son frère. Tout pourrait s'arranger. Par le plus grand des hasards, Riad obtient son bac, il commence une école d'art. Il passe son temps à dessiner et s'apprête à faire de sa passion son métier.
Cet album interroge vraiment la fabrique du dessinateur. Comment devient-on auteur de BD ? Ce qui m'a vraiment touchée dans ce dernier album, c'est l'isolement dans lequel évolue Riad, qui nous renvoie à la situation de beaucoup d'étudiants.
Le sourire de la mère de Riad, sa fierté quand son fils publie son premier album, l'autodérision, cette capacité à rire de soi, à mettre ses difficultés à distance, sa rencontre avec une psychologue et son long cheminement… "L'Arabe du futur", c'est l'histoire d'une résilience, c’est une œuvre passionnante qui interroge la question des liens dans notre société, au sein de la famille. Qu'est-ce qu'un père ? C’est quoi être un bon fils ? Comment devenir soi sans blesser ceux qui nous aiment ? Comment prendre soin de ceux qui nous sont chers ?
Sous des aspects un peu enfantins, c’est un dessin très précis et qui révèle surtout l’incroyable mémoire de Riad Sattouf, son sens du détail, mais aussi du mouvement. Encore une chose, Riad Sattouf, on l’a beaucoup dit, c’est le dessinateur de la jeunesse, mais dans ce dernier volume, il y a aussi des pages très tendres sur ses grands-parents qui m’ont aussi beaucoup touché. Lisez "L'Arabe du futur", c’est drôle, c'est grave avec en plus une note de suspense pour ce dernier tome.
> "L'Arabe du futur - Une jeunesse au Moyen-Orient" de Riad Sattouf, est publié chez Allary édition
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