Dan Franck est un écrivain suffisamment célèbre pour avoir une fiche wikipedia résumant un parcours littéraire impressionnant. Ce dont Dan Franck se moque un peu, d’ailleurs, poursuivant son travail d’écriture, entre polar, humour, regard aiguisé sur la société sans oublier la série des aventures de Boro, écrite avec Jean Vautrin, sorte de feuilleton de l’Europe au XXe siècle, un grand succès.
Il y a malgré tout une ombre au tableau dont Dan Franck se repent, une erreur de jeunesse qui est remonté il y a quelque temps à la surface, sur la page wikipedia justement : dans les années 1980, l’écrivain a fait de la prison et a été condamné à dix-huit mois avec sursis. Sa faute ? Avoir fait confiance à un ami qui s’est révélé membre d’Action directe, ce groupuscule terroriste d’extrême-gauche auteur de plusieurs attaques à main armée et attentats. Puisqu’elle est évoquée sur internet, c’est cette page sombre de son histoire personnelle que raconte Dan Franck dans ce livre.
Au coeur de cette histoire, son amitié avec un membre d’Action directe, une sorte de sympathie inoffensive pour la gauche jusque dans ses extrêmes - on n'est pas loin de mai 68 -, et une bonne dose de naïveté. Quand on lui demande de prêter son appartement pour héberger un « cousin » malade, il accepte. Quand, en 1983, le soir de la mort de deux policiers sur l’avenue Trudaine, à Paris, une jeune femme lui demande asile, il ne pose pas de question. En fait, ce qu’il ignore, c’est que, surnommé « le scribe », Dan Franck a été dénoncé pour sa complicité à son corps défendant, et quand il est arrêté, il comprend que ses « amis » l’ont utilisé. « Ils ne me dirent pas grand-chose, sans doute parce que je n’étais pas l’un des leurs », analyse Dan Franck aujourd’hui qui, par fidélité à l’ami a quand même passé quarante jours de prison à la Santé. C’est le juge antiterroriste Bruguière qui était en poste à cette époque et il a fallu plusieurs années pour éradiquer cette violence dans la France de Mitterrand. Mais ce qui est au centre du livre, c’est ce qu’a vécu Dan Franck. Une sorte de culpabilité naïve alors qu’il était manipulé.
Il revient sur un épisode de sa vie qu’il préférait oublier…
C’est vrai, même s’il ne l’a jamais caché à ses proches. Dès lors que l’information circule sur la toile, en effet, Dan Franck a préféré s’expliquer. Et dire aussi combien il avait été maladroit face aux enquêteurs, défendant ceux-là même qui l’avaient dénoncé. Il ne cherche pas de fausses excuses, il sait combien son esprit chevaleresque lui a coûté cher. « Il faut construire sur les décombres. Dans le cas présent, oublier le détenu, contraindre l’écrivain à reprendre la main », écrit Dan Franck. En 1991, il recevra le prix Renaudot pour son livre « La Séparation » dans lequel il raconte la désillusion des enfants de mai 68, l’idéal perdu. « A épuiser sa peine en l’écrivant, on prend du recul sur elle. » Enfin, ce livre est aussi un polar vrai, en suivant l’enquête de Dan Franck qui a eu la drôle d’idée d’être au mauvais moment avec les mauvaises personnes. « La prochaine fois, lui dit l’enquêteur, choisis mieux tes amis. » Une mésaventure dont l’auteur s’est relevé grâce à la littérature : « J’ai écrit des centaines de pages sur l’emprisonnement, la trahison, les amitiés rompues, ce drame qui a traversé ma vie, y laissant des blessures qui sans doute ne cicatriseront jamais. »
L’arrestation, de Dan Franck, est publié chez Grasset.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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