Ajaccio
Particulièrement réputées au niveau national et même bien au-delà, les polyphonies corses constituent l’un des pans essentiels du chant et de la culture de l’île.
En Corse, comme dans tous les pays et régions où les populations ont su conserver un lien très étroit avec la terre, le chant fait partie intégrante de la vie. Il en rythme tous les mouvements de la naissance jusqu’à la mort. Et il est aussi le véhicule de l’histoire. Ainsi, les formes de chant, dont certaines ont disparu comme le chant de travail, d’élection, voceri improvisation devant un défunt, transmettent, bien au-delà de simples notes, un esprit, une manière d’être.
La "paghjella" raconte, en trois phrases de deux fois huit pieds dont certains riment, une histoire. Les thèmes restent très variés. Particularité, cette forme de chant se retrouve essentiellement dans la région de la Castagniccia, au Nord Est de Corte, on en retrouve également une expression dans le centre à Niolu et en Balagna.
Autre particularité, chaque village a sa propre mélodie, "u versu" et même plusieurs interprétations possibles au sein d’un même village. Cette polyphonie d’essence populaire transmise uniquement par l’oralité et au sein de laquelle subsiste une dimension spirituelle qui va bien au-delà d’une simple note, a été reconnue par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel (PCI) et inscrite en 2009 sur la liste de sauvegarde d’urgence. Sa similitude, dans les intervalles, avec d’autres expressions polyphoniques (Géorgie, Albanie…) porte à croire que son origine reste très ancienne.
D’autres genres apparentés, interprétés toujours à trois voix, terzetti, madricali, sont calqués sur la paghjella. Mais les écrits restent, principalement en Toscan. Enfin, l’arrivée, dès le XIIIe, des Franciscains dans l’île a donné progressivement naissance au chant sacré polyphonique, calqué, lui aussi sur la paghjella. Bien que les célébrations liturgiques soient principalement chantées en monodie dans le Sud de la Corse.
Aujourd’hui, le chant polyphonique a évolué. On dénombre, dans l’île, plusieurs dizaines de chanteurs, une forme qui n’est plus exclusivement réservée aux hommes. Plusieurs écoles de chant s’efforcent de transmettre cette pratique. Mais la société ayant changé, ce chant n’est plus, aujourd’hui, en lien avec ses racines agro-pastorales. Une pratique qui subsiste encore, bien que sa dimension pieuse et authentique ne puisse se transmettre. Seul, une écoute approfondie des fonds sonores anciens, notamment ceux de Félix Quilici, ethnomusicologue qui fit trois mission ethnographiques entre la fin des années quarante et le début des années soixante, pourrait permettre de maintenir cette forme de chant dans son expression la plus pure.
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