2009-2012 : ce sont trois années de la vie de Charles Juliet qui se retrouvent dans ce dixième tome du Journal de ce bel écrivain. Tenir un journal est un art qui me fascine : les diaristes sont des orfèvres qui, d’un quotidien parfois banal, savent faire luire des éclats de lumière. Le hasard d’une rencontre, l’occasion d’un voyage ou le propre travail de l’auteur deviennent sujets de réflexion, de mise en perspective, d’exploration.
Poétique, littéraire, politique ou savant, un journal révèle autant celui qui écrit que ce qu’il décrit.
"Tenir un journal, confesse Charles Juliet, c’est devoir être totalement sincère. C’est parler du plus vrai de ce qu’on porte en soi. C’est en extirper l’intime. Sans chercher à plaire, à séduire ou apitoyer." Belle exigence de sincérité – sinon, pourquoi écrire un journal ? Autant se lancer dans la fiction.
Exigence qui ne va pas sans une certaine indulgence : "C’est une erreur de trop exiger de soi, de vouloir tendre à une impossible perfection", écrit Charles Juliet le 6 mars 2009. Une phrase qui peut résonner de bien des manières chez le lecteur. Finalement, tenir un journal, aussi personnel soit-il, n’est-ce pas mettre des mots sur des préoccupations universelles ?
Tenir un journal, c’est écrire, patiemment, régulièrement, avec la conviction qu’on veut saisir l’insaisissable : "De surcroît, écrire, c’est à chaque fois rater la cible", insiste Charles Juliet qui tient son journal depuis 1957… Et encore, sans compter les premiers cahiers noircis au collège dès l’âge de 15 ans.
Enfant de troupe pendant de longues années – ce qu’il a raconté dans un roman autobiographique "L’année de l’éveil" paru en 1989 et qui a connu un vrai succès -, Charles Juliet n’a pas peur d’explorer les zones d’ombre :
"Le face à face avec soi vous brise, vous fait traverser des moments terrible", écrit-il.
Et les titres de son Journal en atteste : "Ténèbres en terre froide", énonce le premier tome, "Traversée de la nuit" ou encore "Lumières d’automne", alors que "Apaisement" et "Gratitude" - les plus récents - nous consolent.
Le temps passe et Charles Juliet se révèle au fil des pages, insatiable, toujours en éveil : "Souvent, je suis agacé par cette manie que j’ai de tout observer. Je voudrais y mettre fin mais je n’y parviens pas. Je n’ai pas le pouvoir de rendre mon regard moins avide". Tant mieux, Monsieur Juliet, surtout ne vous retenez pas : continuez donc à nous raconter la vie !
Un incroyable regard sur le monde alors que tout va vite, trop vite… "Le regard de Juliet est franc, précis, fixe, intense. Perçant. Il est celui de la scrutation et de l’élucidation. Hanté par la nuit qu’il a affrontée", écrit Jean-Pierre Siméon en préface du recueil de poésie de Charles Juliet qui sort en même temps que son Journal.
Une anthologie personnelle qui reprend vingt-deux années de poésie sous le titre "Pour plus de lumière", dans la collection Poésie/Gallimard.
Des vers courts, souvent, sans titre, des phrases qu’on dirait encore en chantier, pour que la poésie s’opère encore, et s’achève à la lecture : "Creuser. Fouiller. Désenfouir. Tirer au jour ce qui exige de venir à la lumière" écrit le poète, avant de revenir au regard et la rencontre, cette quête de lumière qui obsède sereinement Charles Juliet : "Le poème se nourrit de ce dialogue qu’échangent l’œil et la voix."
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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