Le 4 août 2020 à 18h, deux puissantes explosions retentissent dans le port de Beyrouth causant la mort de 214 personnes et 6500 blessés. La cause ? Le stockage de plus de 2700 tonnes de nitrate d'ammonium. Un engrais qui une fois chauffé fait l'effet d'une bombe. Depuis plus d'un an, la ville est plongée dans une crise économique profonde qui touche aujourd'hui tout le pays. Pauline de Torsiac est allée sur place rencontrer ceux qui ont vécu le drame et tentent depuis de relever leur pays chancelant.
Leïla Daoun est directrice de l'école des trois docteurs située proche du lieu de l'explosion, à seulement 500 mètres du port . Les murs du bâtiment ont été soufflés par l'explosion.
"Le souffle est passé entre les deux immeubles et c'est la garderie qui a été la plus touchée [...] il y a eu cette image de la destruction avec les dessins des enfants sur les mûrs qui avaient été très impressionnante après l'explosion" se souvient-elle. Pourtant, la directrice reste positive car cela aurait pu être pire. En effet, avec le Covid les parents sont venus chercher leurs enfants plus tôt ce jour-là. "Il y a eu beaucoup de miracles au moment de l'explosion" constate-t-elle avec optimisme.
Grâce à la prière nous avons repris courage
Comme cette école, de nombreux bâtiments n'ont pas résisté aux déflagrations. C'est le cas de l'hôpital des soeurs du Rosaire dans le quartier de Gemayzé. Au moment de l'explosion, Soeur Marie-Joseph, la responsable du post opératoire se trouvait au neuvième étage de l'hôpital. "C'était comme un tremblement. En moins d'une minute tout était tombé par terre, tout. Il n'y avait plus rien, ni portes, ni fenêtres, tout est tombé" raconte-t-elle.
Suite à l'explosion, l'hôpital a réceptionné beaucoup de malades sans pouvoir les soigner correctement faute de moyens. "C'est très difficile d'accepter ce qu'il s'est passé, quand nous en parlons nous pleurons" raconte soeur Marie-Joseph avec émotion avant d'ajouter pleine d'espérance "grâce à la prière nous avons repris courage et recommencé et continué. La foi nous a beaucoup aidé".
Depuis plus de 160 ans, l'Oeuvre d'Orient oeuvre dans le domaine de la santé, s'occupe d'éducation pastorale et soutien des actions sociales. Vincent Gelot, son directeur au Liban et en Syrie, était présent lors de l'explosion. "Il y a un avant et après 4 août 2020" constate-t-il. "L'explosion du port a été la goutte d'eau qui a fait déborder un vase déjà bien rempli de douleurs, de souffrances, de difficultés, d'amertume chez la population libanaise".
L'explosion a été le point de non retour et le début d'une crise sans précédent qui a actuellement des conséquences lourdes sur le pays du cèdre. "Aujourd'hui, ça nous inquiète énormément parce qu'on voit que ces souffrances poussent malheureusement une partie des jeunes à vouloir partir et ça c'est un drame pour elle mais surtout pour le Liban."
Je suis descendu dans la rue pour être à côté des libanais et des libanaises [...] et pour dire non à une classe politique corrompue qui a amené le pays à sa ruine
Les prix du carburant et de l'alimentation ne cessent d'augmenter, les pannes d'électricité sont de plus en plus fréquentes. Une situation asphyxiante qu'une partie de la population est allée dénoncer dans la rue, dernier lieu de contestation face à un gouvernement débordé par la situation et la corruption.
Le père Gabriel Kerala est jésuite et curé de la paroisse Saint Joseph située au coeur de Beyrouth. Lui aussi est descendu dans la rue manifester son mécontentement et surtout soutenir la population. "Je sentais quelque chose de l'ordre de la justice et je suis descendu pour être à côté des libanais et des libanaises qui souffrent, qui ont été exclus, marginalisés et puis pour dire non à une classe politique corrompue qui a amené le pays à sa ruine" explique-t-il.
Pourtant les manifestations n'ont pas suffit. Aujourd'hui la situation est de plus en plus complexe. Une inquiétude s'installe au sein du peuple, note le prêtre. "Ils sont tout à fait résignés [...] c'est la dignité qui a été blessée" observe-t-il. Pourtant la reconstruction se fait petit à petit, les projets se multiplient et la soif de justice se fait de plus en plus ressentir. "La justice c'est la pierre angulaire d'un pays. Sans la justice, on est sans rien". Melhem Khalaf, ex-batonnier de la capitale libanaise en est persuadé.
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