Le Viêt-Nam est souvent associé pour nous Français à des guerres particulièrement marquantes de la moitié du XXè siècle, la guerre d'Indochine (1946-1954) puis celle du Viêt-Nam (1955-1975). Épisodes dramatiques dont la lecture a contribué à "mythifier" l'histoire récente du pays. Avec "Viêt-Nam, fractures d'une nation" (éd. La Découverte), l'historien François Guillemot, offre un autre regard sur l'histoire du Viêt-Nam depuis la colonisation française.
"Pour comprendre histoire d'un pays, il est difficile de ne se baser que sur l'histoire des vainqueurs, il faut regarder du côté des vaincus", estime l'historien. Et les vaincus ce sont "tous ceux qui ont été éliminés par le processus révolutionnaire". À noter qu'il reste "compliqué" aujourd'hui pour un historien d'accéder à certaines archives officielles. "Nous sommes dans un processus de construction nationale, un État-Parti, hérité de la guerre", explique François Guillemot.
Toujours est-il que "l'on a longtemps validé l'idée d'un parti communiste viêtnamien" comme "seul acteur légitime d'une histoire" qui en réalité est plus "complexe". Ce que l'historien propose, c'est de mettre en évidence ce qu'il nomme "la phénoménologie révolutionnaire du Viêt-Nam" et de "plonger dans cette intériorité nationale".
C'est à partir de 1858, que les Français interviennent avec l'attaque de Da Nang. En 1862 est signé le premier traité qui instaure ce qu'on appelera plus tard la Cochinchine. "Tout ceci se fait tout de même dans la douleur." Sur la prise de Hué en 1883, on pourra relire "Trois journées de guerre en Annam" de Pierre Loti (éd. du Sonneur, 2014). "On parle déjà de guerre à cette époque", rappelle l'historien, "il y a une diplomatie armée et une véritable guerre de conquête".
En 1887, l'Union indochinoise réunit cinq pays. Et le Viêt-Nam impérial est démantelé en trois tronçons, le Tonkin au Nord, l'Annam au centre et la Cochinchine au sud - elle seule est une colonie. L'Annam, Tonkin, et aussi le Cambodge et le Laos restent des protectorats. "La problématique qui apparaît très vite aux yeux de tous c'est que cette administration semi directe ou ce protectorat va déboucher sur une neutralisation de l'espace impérial viêtnamien."
Avec l'Indochine française, la rupture est institutionnelle. "Le rôle symbolique de l'empereur est balayé", comme l'a montré Nguyên Thê Anh dans "Monarchie et fait colonial au Viët-Nam" (éd. L'Harmattan, 1992). Le bouleversement est également culturel, et c'est principalement par la langue et l'écriture que les Français "coupent" l'ancien empire de sa "matrice chinoise".
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