Haute-Savoie
Le 20 mai, c'est la Journée mondiale des abeilles. L'occasion de soulever un paradoxe : alors que notre société plébiscite les vertus du miel pour la santé, notre système agro-chimique met en danger celles qui le produisent. Apparues des millions d’années avant l’être humain, les abeilles sont aujourd'hui en danger d'extinction.
Depuis 2018, le 20 mai est la Journée mondiale des abeilles. En France, la sauvegarde des abeilles était la grande cause nationale de l'année 2022. Elle a donné lieu à des mesures fortes, au moins symboliquement, alors que l'année 2021 avait été très mauvaise pour les apiculteurs. Signe que les populations d'abeilles diminuent. Or, protéger les abeilles "c’est vital", comme le rappelle le géographe Gilles Fumey.
Les abeilles sont apparues des millions d’années avant l’être humain. "Elles ont survécu à six extinctions de masse dont certaines qui ont détruit 90% de la vie sur terre", nous dit Marie-Claire Frédéric. Et pourtant, elles sont aujourd’hui en péril. Elles sont nos "sentinelles de la protection de la nature". Dans son livre "Le miel, une autre histoire de l'humanité" (éd. Albin Michel, 2022), la journaliste culinaire, auteure du blog "Ni cru ni cuit", écrit : "L’abeille a toujours été le symbole de la culture dans la nature mais elle incarne aujourd’hui la nature en proie au danger causé par la culture moderne."
"On a réussi à chiffrer ce qui pourrait être la disparition des abeilles comme pollinisateur, explique le géographe Gilles Fumey, c’est quelque chose d’énorme : ça peut toucher plus de la moitié de la production mondiale de fruits." Spécialiste de l'alimentation et des cultures alimentaires, co-auteur de "Histoire de l'alimentation" (coll. Que sais-je ?, éd. PUF, 2021), Gilles Fumey considère qu'il est nécessaire de "faire évoluer notre système agro-chimique parce qu’il est dangereux…"
Alors qu’une menace pèse sur les abeilles, le miel revient en force dans nos habitudes alimentaires. Dans une société où l’on s’inquiète des maladies liées à l’alimentation industrielle, le marché des alicaments devient considérable. Même si "on s’est toujours alimentés pour se soigner", précise Gilles Fumet. Le miel est connu depuis l’Antiquité pour ses vertus thérapeutiques et ses propriétés antiseptiques. "Il était utilisé dans la momification par les Égyptiens", précise Marie-Claire Frédéric.
En 2014, une enquête de l’UFC-Que choisir avait montré qu’environ un tiers du miel vendu en Europe était frelaté. De tous nos aliments, c’est d’ailleurs l’un des plus frelatés. Fraudes sur la provenance, sur l’origine botanique, sur l’origine géographique, ajout de sucre… Le produit est au cœur d’un "énorme trafic", prévient la journaliste Marie-Claire Frédéric. Récemment, la réglementation a changé en France : dès le 1er juillet, il faudra indiquer le pays d’origine du miel sur l’emballage. Pour Gilles Fumey, l’avenir du miel est dans la relocalisation : "C’est l’avenir, on n’a pas le choix."
Le miel tient une place à part dans l’histoire de notre alimentation. Il a ceci de particulier que c’est une nourriture prête à être consommée : ce qui est très rare. Comme le note la journaliste, c’est "la seule nourriture qui nous arrive telle quelle et qui est produite par un animal".
"On a longtemps cru que le miel était d’origine végétale", raconte Marie-Claire Frédéric, car on ne savait pas qu’il y avait une transformation du produit - autrefois, on l’appelait "la manne céleste", on pensait qu’il était "une espèce de rosée céleste". "On ne parle pas d’élevage des abeilles mais d’apiculture : et ça, culturellement c’est assez important, ça montre l’ambivalence de ce produit qu’est le miel entre l’animal et le végétal."
Pour qui les abeilles produisent-elles le miel ? Nous ne sommes pas les seuls êtres vivants à consommer le miel. L’ours, par exemple, est connu pour l’apprécier ! Mais on peut avec Gilles Fumey "se demander si les abeilles le produisent pour d’autres animaux qu’elles-mêmes". Il y a, selon le géographe, "un rapport curieux dans le sens où elles produisent largement pour passer leur hiver mais est-ce qu’elles produisent pour nous ou d’autres animaux, c’est la question que l’on pourrait se poser..."
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