Je ne sais si vous avez fait votre marché ce week-end, mais il y avait de quoi se régaler ce dernier week-end, je veux parler du marché de la poésie bien sûr, qui a occupé la place Saint-Sulpice pendant plusieurs jours. C’était à Paris, mais la poésie n’a pas de frontières, n’a pas de limites et elle peut se trouver n’importe où, sur place des villes et des villages, parfois même sur les réseaux sociaux et dans les livres aussi…
Le recueil que je vous propose se moque aussi du calendrier, car la poésie est de toutes les saisons, pour preuve le titre d’Emmanuel Godo « Les égarées de Noël », alors que le livre est arrivé sur le marché et dans les librairies au printemps. Pourquoi Noël ? Le poète nous explique, les égarées, au féminin sont ces étoiles et autres décorations de Noël qui ont échappé au rangement saisonnier, et sur lesquelles nous pouvons tomber à tout moment de l’année… Ainsi, je vous rassure, la poésie n’a rien d’un baromètre, sauf peut-être à restituer l’amour, la mort, et les saisons de la vie.
Difficile de résumer un recueil de poésie, d’autant plus quand Emmanuel Godo nous entraîne dans des rêveries, des chemins de traverse, des lieux magiques ou quotidiens… C’est tout un art, la poésie, il faut se laisser faire, laisser les mots danser, comme des couleurs assorties. Et parfois, ça résiste, on voudrait maîtriser : « Tu es comme tous ces hommes/Qui n’ont jamais su/ Demander à un poème/leur chemin. Le poète sait cela, la confiance que lui fait le lecteur, et l’exigence d’un art qui ne se contente pas des petites fleurs : « Je n’ai jamais mis mon doigt dans l’œil d’une rivière/ Je n’ai pas tordu la main de l’arbre qui pleurait/ Je n’ai pas gratté la terre à l’endroit où le sang appelle/ J’ai rêvé sous les jupes des ponts/J’ai essoufflé mon impatience sur les chemins imbéciles…
Mais ce sera peut-être un autre poème qui vous touchera. Par exemple celui que l’auteur présente comme étant un « poème écrit dans le bloc-notes du téléphone portable » ou encore les « deux poèmes retrouvés au fond d’une boîte, écriture bleue ». Tout est poème d’une certaine manière : « nos vies sont des poèmes et nous ne le voyons pas/ nos vies sont des poèmes et nous ne le savons pas/ nos vies sont des poèmes et nous ne le sentons pas. » écrit encore Godo qui nous invite à l’audace : « A quel feu allumeras-tu tes mots ce matin ? Tu es comme un crayon brisé dans l’étui de son ombre. Si tu veux te plonger les mains dans la plaie de la terre et vivre dangereusement comme un va-nu-pieds, puisque tel est ton vœu, va cueillir des mûres sans panier et mange-les à pleines mains. N’efface pas les traces de sang sur tes lèvres t sur tes joues. Rentre à la maison en riant et demande pardon à tous ceux qui ont eu peur en voyant ta gueule d’ogre. »
Du même auteur et un tout autre sujet, pas moins passionnant : Emmanuel Godo, prof de lettres en classe prépa est spécialiste des auteurs du XIXe et début du XXe siècle, et c’est une monumentale biographie de Maurice Barrès qu’il publie ces jours-ci aux éditions Tallandier après, tenez-vous bien, plus de 35 années de recherche. Barrès, 1862-1923, est aujourd’hui trop méconnu, alors que cet écrivain académicien a pris part aux grands débats de son époque, tenant parfois des positions très discutables, tout en poursuivant une carrière littéraire. J’en ai dit trop peu, mais ceux qui se passionnent pour l’histoire pourront trouver leur bonheur dans les quelque 700 pages de cette biographie « Maurice Barrès, le grand inconnu ».
« Les égarées de Noël », d’Emmanuel Godo, paru chez Gallimard.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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