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Marie-Antoinette et Louise Michel, des femmes politiques élevées au rang de mythes

Un article rédigé par Frédéric Mounier, Odile Riffaud - RCF, le 4 mars 2024 - Modifié le 6 mars 2024
Les Racines du présentDeux femmes, deux France(s) ? Marie-Antoinette et Louise Michel

L'une était souveraine de l'Ancien Régime, l'autre militante anarchiste du XIXe siècle. Marie-Antoinette et Louise Michel ont peu de choses en commun si ce n'est qu'elles ont été élevées au rang de mythes. Les récupérations politiques dont elles ont pu faire l'objet ont souvent masqué l'identité, toujours complexe, du personnage historique. On en parle à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars.

Marie-Antoinette par Élisabeth Vigée Le Brun (1783) ; Louise Michel, 1880 ©Wikimédia CommonsMarie-Antoinette par Élisabeth Vigée Le Brun (1783) ; Louise Michel, 1880 ©Wikimédia Commons

 

Marie-Antoinette et Louise Michel sont deux figures féminines rarement associées. Et pour cause : L’une était reine de France, figure de l’Ancien Régime, et l’autre anarchiste du XIXe siècle. Pourtant, elles ont en commun un engagement politique et une expérience de la prison. Et surtout elles ont été récupérées comme des figures symboliques et élevées au rang de mythes.

 

Deux légendes

Malgré les quelque 400 biographies de Marie-Antoinette, il reste difficile d’approcher le vrai personnage historique, au-delà de la figure romanesque. Du côté de Louise Michel, pas moins de 190 établissement scolaires portent son nom aujourd’hui en France. La gauche en a fait une icône, l'extrême gauche une "égérie", estime Marie-Hélène Baylac auteure de la biographie "Louise Michel" (éd. Perrin, 2024).

Dans les deux cas ce qui frappe c’est "la plasticité de la mémoire du personnage", note Charles-Éloi Vial. Selon le biographe de Marie-Antoinette, faire d’un personnage historique un mythe s’accompagne souvent d’une simplification. "On en fait ce qu’on veut, on la dépolitise, on la réduit à une légende plutôt romantique, individualiste." Au risque de mettre à l’arrière-plan des éléments qui ont leur importance. Dans le cas de Marie-Antoinette : sa carrière politique, ses idées et ses ambitions. Dans le cas de Louise Michel, la récupération politique dont elle a fait l’objet occulte la grande singularité du personnage.

 

Aujourd’hui on dit que Louise Michel est queer

 

La marque Louise Michel

Le nom de Louise Michel est en quelque sorte devenu une marque, si l’on considère la façon dont la gauche l’a récupéré. Une marque, c’est-à-dire qu’un peu comme Jeanne d’Arc, "on peut l’utiliser plus facilement", souligne Marie-Hélène Baylac, auteure de la biographie "Louise Michel" (éd. Perrin, 2024). La biographe montre comment les partis de gauche ont récupéré la figure de cette anarchiste qui était contre tout système électoral et n’a jamais été élue. Les communistes en ont fait "une figure de la Commune". Plus tard, Ségolène Royal ou Martine Aubry l’ont élevée au rang d’égérie du féminisme. "Aujourd’hui on dit qu’elle est queer", rapporte Marie-Hélène Baylac.

Ce qui est fascinant chez Louise Michel c’est sa grande singularité. Cette fille de servante, dont on a longtemps qu’elle était née d’un viol - mais "probablement pas" selon sa biographe - était probablement l'enfant fille naturelle d’un châtelain de Haute-Marne. Louise Michel a puisé dans son éducation catholique une sensibilité aux pauvres. Admiratrice de Victor Hugo, "son gourou", selon Marie-Hélène Baylac, puis d’Auguste Blanqui, elle s'est détournée de l'Église catholique pour embrasser la cause républicaine. Déçue par la Commune, elle en a conclu que le pouvoir, quel qu’il soit, était intrinsèquement mauvais.

Louise Michel l'intransigeante

C’est lors de son procès en 1871, après la Semaine sanglante, qu’elle a été "propulsée sur la scène publique". Louise Michel, adoptant "une attitude intransigeante", a refusée d’être graciée. Elle a même "demandé la mort", ce qui a fortement marqué les esprits. Sa biographe révèle que Louise Michel était tombée amoureuse de Théophile Ferré (1846-1871), l’une des têtes pensantes de la Commune qui a été exécuté juste avant le procès de l’anarchiste. Pour Marie-Hélène Baylac, "cet aspect personnel a joué aussi un rôle dans son attitude lors du procès".

10.000 personnes attendaient Louise Michel à son retour de Nouvelle-Calédonie, où elle avait été exilée. Durant sept ans à l’autre bout du monde, "une séjour vécu comme une retraite", l'anarchiste n’a pas perdu de sa notoriété. En exil, elle a développé une vision politique originale, à la fois sombre et utopiste. Inspirée par la nature, elle voyait la révolution comme un cyclone qui détruit l’ancien monde pour laisser place au nouveau. Pour elle, "l’État est mauvais, il faut le détruire par une révolution totale, elle plaide pour une table rase", décrit Marie-Hélène Baylac. 

 

→ À LIRE : Au cœur des théories du complot : qui a "organisé" la Révolution française ?

 

Marie-Antoinette, un personnage "construit"

Marie-Antoinette : un nom qui à lui seul charrie d'innombrables clichés et fantasmes. "Marie-Antoinette est un personnage construit et entièrement reconstruit, explique Charles-Éloi Vial, auteur de la biographie « Marie-Antoinette » (éd. Perrin, 2024). Archiviste paléographe et conservateur à la Bibliothèque nationale de France (BNF), il a eu accès à des documents inédits. Il a pu notamment accéder au journal intime du maréchal de Castries. Le ministre de la Marine de Louis XVI avait noté durant plusieurs années ses conversations avec Marie-Antoinette durant plusieurs années.

 

Marie-Antoinette n’était pas repliée sur elle-même avec ses dames de compagnie à jouer à la bergère, au contraire !

 

Qui connaît Marie-Antoinette, la femme politique ?

On parle peu de Marie-Antoinette la "femme politique". Charles-Éloi Vial souligne le réel intérêt qu’elle avait "pour la diplomatie et la politique intérieure". "Elle n’était pas repliée sur elle-même avec ses dames de compagnie à jouer à la bergère, au contraire !" Marie-Antoinette a développé "une vision politique" certes "peu construite" mais la souveraine était "peu éduquée" en matière de politique.

Marie-Antoinette a toutefois développé une vision politique différente de celle de son époux. Si Louis XVI était "prêt à accepter une monarchie constitutionnelle à l’anglaise", elle était plus "radicale". La souveraine a essayé de "lutter contre la Révolution" et a entretenu "un réseau de correspondants à l’étranger" dans le but de "faire pression sur l’Assemblée nationale, sur la France révolutionnaire pour qu’elle rende le pouvoir au roi".

Accusée de tous les maux lors de son procès, Marie-Antoinette a servi de "bouc-émissaire" : à travers elle, on a voulu "punir toute la société de cour", raconte Charles-Éloi Vial. Pour lui, c’est "une femme imaginaire" que l’on a jugée. Accusée d’inceste, de débauche, de cruauté, d’hypocrisie, Marie-Antoinette a fait preuve de "dignité" et de "courage", elle qui était malade lors de son procès. "Elle se défend parce qu’elle veut revoir ses enfants, c’est pour ça qu’elle se bat même si elle sait qu’elle va mourir." Vraisemblablement mourante au moment de monter à l’échafaud, elle a sans doute accueilli la mort avec légèreté.

 

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