"La Révolution n'a pas tenu ses promesses", affirme l’historien Jean-Clément Martin. Tantôt fantasmée, tantôt décriée, la Révolution Française a fait l’objet de nombreuses lectures à travers les époques et en fonction des contextes. Certains y voient un modèle à suivre, d’autres considèrent l’événement comme inabouti. Dans son ouvrage "Penser les échecs de la Révolution française” (éd. Tallandier, 2022), l’historien revient sur ce qui a dysfonctionné au lendemain du 14 juillet 1789. Ancien directeur de l'Institut d'histoire de la Révolution française, à Paris-I, Jean-Clément Martin est l'un des meilleurs connaisseurs de la période.
"La Révolution n’a pas tenu ses promesses", affirme Jean-Clément Martin, spécialiste de la période. Présentée comme une année qui va changer le monde, 1789 est pour certains un échec total, qui n’aboutit ni à la liberté, ni à l’égalité. S’il s’agit bel et bien d’une révolution universelle, elle est aussi perçue comme une "manœuvre de la populace qui manipule les gens sans pouvoir".
Il n’est pas rare d’entendre que la Révolution française est le lit de tous les totalitarismes. Les lectures sont plurielles : Lénine s’y réfère comme un exemple à suivre, Mussolini s’en sert pour légitimer la violence politique. La Révolution a en effet fait de très nombreuses victimes : 200 000 personnes sont mortes en Vendée, le bilan des décapitations s’élève à 17.000. Pendant la Terreur, des centaines de milliers de personnes trouvent la mort.
La Révolution a ainsi légitimé la violence comme moyen de s’emparer du pouvoir. "Pour chasser des personnes au pouvoir, il faut nécessairement utiliser la violence : un coup d'État ne peut pas se faire pacifiquement." Si les révolutions se soldent souvent par l'ascension au pouvoir d’une figure autoritaire, c’est aussi pour cela, estime l’historien émérite.
De ce "paysage polychrome", les femmes ont été évincées. C’était du moins le souhait des révolutionnaires, qui voyaient en elles de puissantes concurrentes. L’extrême majorité des hommes ne voulaient pas qu’elles soient des citoyennes actives, les percevant comme des manipulatrices séductrices. "On craint les maîtresses du roi, on craint Marie-Antoinette", souligne l’historien.
Celles qui tiennent des salons sont aussi vues comme des menaces. Elles sont influentes et cultivées, "capables de beaucoup". Alors pour pallier ce problème, on met les femmes politiques sous contrôle. Quelques-unes parviennent à entrer dans l’armée, mais en sont exclues dès 1793. Pour Olympe de Gouges, figure de proue des femmes dès 1789, elles ont le pouvoir de se faire entendre dans leur mort. "Les femmes ne peuvent pas monter à la tribune, mais elles peuvent monter à l’échafaud", écrit-elle.
Utilisée pour la première fois en avril 1792 à Paris, le "rasoir national" qu’est la guillotine marque un tournant dans la Révolution. Elle permet à tous d’avoir la même fin : c’est une mise à mort générale et sans souffrance. La guillotine s’accompagne aussi de la fin de la torture. Peu importe le sexe ou le milieu social, tous les accusés sont traités à la même enseigne. Mais le problème, pour Jean-Clément Martin, c’est que la mort est transformée en spectacle. L'œuvre judiciaire dénuée de ce pathos "devient quelque chose d’extrêmement scandaleux".
La guillotine est l’un des nombreux sujets paradoxaux qui font de la Révolution un événement inabouti. L’historien constate qu’aujourd’hui, en France, il n’y a pas d’égalité. L’argument est simple et efficace : il démontre que les valeurs prônées et promises en 1789 n’ont pas donné lieu à des actions concrètes. Et ce dès 1800, avec une démocratie "faussée, inégalitaire et autoritaire", estime Jean-Clément Martin.
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