Rien ne prédestinait cette Polonaise, arrivée en France en 1891 pour ses études, à devenir une icône nationale, jusqu’à sa panthéonisation en 1995. Si elle fait depuis partie de la mémoire commune, elle ne s’y est fait une place que sur le tard, après que quelques aspects de sa vie aient été occultés.
Maria Sklodowska n’était pas la seule chercheuse scientifique du début du XXème siècle et pourtant, c’est son nom qui est resté. Les deux prix Nobel qu’elle a reçue y sont sûrement pour beaucoup. Elle obtient le premier en 1903 conjointement avec son mari Pierre Curie et avec le physicien Henri Becquerel pour leur découverte du radium et du polonium (un nom donné en l’honneur de son pays d’origine). Elle est alors la première femme à recevoir la prestigieuse récompense. Pourtant, cette découverte théorique - ils mesurent mais ne parviennent pas à isoler ces éléments - ne va pas avoir immédiatement un impact en France, raconte Natalie Pigeard-Micault, responsable des ressources historiques du musée Curie.
Bénéficiant d’une belle somme d’argent et de reconnaissance, le couple Curie s’installe dans un plus grand laboratoire, loin du tumulte suscité par leur notoriété naissante. Après le décès brutal de Pierre en 1906, percuté par une charrette, Marie Curie poursuit ses recherches seule, malgré une tristesse incommensurable. Elle succède à son mari à la direction d’une chaire de physique, qui venait de lui être attribuée deux ans plus tôt. Ce qui fait d’elle la première femme directrice d’un laboratoire universitaire en 1906 et première femme professeure titulaire de la Sorbonne en 1908.
Alors que sa vie professionnelle lui réussit, Marie Curie voit sa réputation salie suite à sa liaison avec Paul Langevin, un grand savant malheureux dans son mariage. Lorsque leur relation est révélée, la veuve devient la cible de la presse et de l’extrême-droite, en quête d’un boiuc-émissaire après la réhabilitation de Dreyfus. Dans la presse, on dira d’elle qu’elle est « une étrangère juive, alors qu’elle ne l’est pas, et qu’elle va voler un mari bien français et bien catholique, alors qu’il est athée », », recontextualise la docteure en histoire des sciences.
L’affaire retombe finalement en 1911 avec l’obtention de son second Prix Nobel, reçu pour avoir isolé le radium et déterminé que la radioactivité était une propriété interne à la matière. Elle s’associe ensuite avec Claudius Regaud, un médecin lyonnais qui s’intéresse à l’application des rayons X sur les tumeurs cancéreuses. Ensemble, ils vont codirigés l’institut du radium. Mais à peine ouvert, son activité est mise à l’arrêt par la Première Guerre Mondiale qui éclate. Les hommes sont réquisitionnés et Marie Curie se retrouve esseulée pour mener ses travaux. C’est finalement une commande confiée par le Ministère des armées qui va la stimuler.
Elle est alors missionnée de recenser les appareils de radiologie qui existent déjà et les entreprises susceptibles d’en fabriquer de nouveaux. Si la radiologie n’a rien à voir avec son domaine de recherche, elle se lance à corps perdu dans cette mission, obtenant des autorisations pour traverser les zones armées, former les infirmières et livrer les véhicules équipés d’unités de radiologie – qu’on appellera à tort les Petites Curies puisqu’ils existaient avant - aux hôpitaux militaires français et belges. A cette technique qui va considérablement améliorer les soins aux blessés, Marie Curie va ajouter une autre thérapie. Elle fabrique de petites ampoules de radon, l’émanation du radium. Ils serviront à aseptiser et cautériser les grosses plaies et les amputations. Ce qui s’avèrera particulièrement utile face aux nombreux décès par septicémie.
La guerre va considérablement la changer, affirme Natalie Pigeard-Micault, « elle va lui prouver qu’elle peut être utile à l’autre directement à son contact ». Plus que jamais, elle voudra que ses travaux sur la radioactivité et le radium puissent servir à la médecine. Avec Claudius Regaud, elle militera pour créer la fondation Curie et installer un dispensaire de jour pour recevoir les patients du cancer. En 1934, elle meurt d’une leucémie dite pernicieuse, sans que l’on sache si cela a été provoqué par ses recherches, précise la spécialiste des femmes médecins sous la 3ème République.
Mais malgré toutes ses découvertes, leur intérêt pour la médecine et son investissement pendant la Guerre, Marie Curie tombe dans l’oubli, éclipsée par le prix Nobel reçu par sa fille et son gendre en 1935 pour la radioactivité artificielle ; mais aussi romantisée par son autre fille dans une biographie élogieuse parue l'année précédente. « Il faut vraiment attendre 1967 et le centenaire de sa naissance pour qu’elle réexiste un petit peu mais surtout 1995 et la panthéonisation de son époux et d’elle-même pour qu’elle entre dans la mémoire nationale », constate Natalie Pigeard-Micault. A l’époque, on cherchait une image à laquelle se référer pour illustrer l’arrivée des femmes dans la sphère politique et scientifique. Depuis, son nom figure dans nos manuels scolaires et inspire les jeunes filles.
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