Pas une rentrée littéraire sans Amélie Nothomb ! L’auteur à succès écrit avec la précision d’un métronome et la générosité d’un cœur qui bat. Le cru 2021 est remarquable à plus d’un titre : trentième roman de la reine des lettres, c’est le centième manuscrit de l’écrivain qui choisit, chaque année, celui qui sera digne d’être publié. Remarquable encore cette année, en raison du sujet même du livre au titre énigmatique : Premier sang est un vibrant hommage à son père, décédé au printemps 2020, non pas du Covid, mais en plein confinement, ne permettant pas à Amélie Nothomb d’assister à ses funérailles. Le livre pourrait être empreint de tristesse, de gravité, mais c’est mal connaître l’auteure. C’est drôle, attendrissant, espiègle… Surprenant, comme d’habitude.
Venons-en à l’histoire : tout commence dans les premières pages avec Patrick Nothomb, pris en otage et traîné devant le peloton d’exécution auquel il échappera finalement. La scène ne doit rien à l’imagination fantasque d’Amélie Nothomb : diplomate belge, le paternel a en effet subi une prise d’otages avec des centaines d’étrangers en 1964 tenus en respect par des rebelles congolais. Vous vous en doutez, il en réchappe, heureusement pour nous. Prenant la parole à la première personne, le consul raconte sa vie.
Dès l’enfance timide et malingre, le petit Patrick est envoyé "chez les Nothomb", c’est-à-dire dans ce château des Ardennes, sous la férule du grand-père. Au contact des cousins, il faut se muscler : "Bon-Papa me disait souvent : tu dois t’endurcir. Je commençai à comprendre ce que cela signifiait : j’avais le corps aussi tendre que l’âme." S’il est écarté de la carrière militaire pourtant héréditaire, Patrick Nothomb se verrait bien poète, ou encore gardien de but et pourquoi pas chef de gare ? L’enfant grandit, l’adolescent décrit comme "courtois, brillant, pacifique, éloquent" écrit les lettres d’amour pour les autres, et finit par se marier, donne naissance à un fils, une fille… Et part en Afrique, Amélie n’est pas encore née.
Face aux rebelles armés, Patrick Nothomb assure : "Je pensais à cette enfance sauvage qui m’avait aguerri et, me disais-je, me donnait la force d’être là, debout, vivant", confie le consul qui parlemente : "Mon rôle de négociateur ne manquait pas d’ambiguïté. Il me fallait alors me parler avec la dernière dureté : j’avais choisi la diplomatie. Ce que je faisais n’était ni bien, ni mal, c’était mon métier. Sans moi, il y aurait certainement déjà eu beaucoup de tués."
Une épopée qui n’empêche pas les passages débridés : ainsi Patrick découvre-t-il l’Afrique : "Il m’a été donné de vivre corps et âme. De me coucher à terre, sous le ciel, de jubiler, de respirer, de sentir l’odeur forte des fientes d’oiseaux, de regarder le réel, d’écouter l’air…" Formidable portrait d’un père par sa fille, tout en tendresse et humour, plein d’admiration devant cet homme étonnant, fragile, comme Sacha Guitry le résume en exergue de ce livre : "Mon père est un grand enfant que j’ai eu quand j’étais tout petit."
Premier sang, Amélie Nothomb, Albin Michel, août 2021, 170 p. 17,90 €
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