On a du mal à imaginer le monde sans Venise. Isabelle Autissier le reconnaît, ouvrir son roman "Le naufrage de Venise" (éd. Stock) sur l'image de la Sérénissime engloutie a quelque chose de provocant. Pourtant, on en parle beaucoup du danger qui menace la cité. Tout comme du réchauffement climatique... La navigatrice et romancière, présidente d'honneur du WWF-France, signe un récit qui réveille les consciences et nous met en mouvement.
Pour tous ceux qui la visitent "Venise époustoufle, elle intrigue, elle affole, elle fascine", écrit Isabelle Autissier. Seulement voilà, cette ville "n’est malheureusement peut-être pas éternelle". Le nouveau roman de la célèbre navigatrice et conteuse s’ouvre sur un cataclysme. La Sérénissime n’a pas résisté à la dernière acqua alta et le système d’écluses MOSE (Moïse) n’a pas su contenir la montée des eaux. Isabelle Autissier le reconnaît, son roman "s’ouvre de manière assez provocatrice" sur la fin de Venise. "Et pourtant tout le monde le sait, tout le monde le dit tout le temps, vous pouvez lire n’importe quel article sur Venise, on vous dit que Venise est petit à petit en train de se faire engloutir !"
Ce livre est "clairement" un roman d’anticipation, prévient Isabelle Autissier. Une métaphore du monde actuel qui ne veut pas voir. "Ce qui me frappe c’est la question du déni, confie la romancière, on sait tout, on sait énormément de ce qui nous attend, on a le rapport du Giec, on a des études précises, sérieuses, documentées... On a tous les chiffres et on est absolument incapables de mentaliser, de visualiser ce qui va se passer pour nous."
Présidente d'honneur du WWF-France, Isabelle Autissier est la première femme à avoir accompli un tour du monde en solitaire en compétition, en 1991. Si elle a abandonné les courses, elle continue à à naviguer trois mois par ans, elle mène des projets avec des artistes et des scientifiques dans les mers froides. Ainsi en 2006, elle a publié "Salut au Grand Sud", avec Erik Orsenna. "La mer continue à être extrêmement présente dans ma vie, même si la littérature prend une place de plus en plus importante…"
La navigatrice a "toujours adoré la littérature et la lecture". "L’écriture, c’était un petit défi personnel quand même, c’est beaucoup de travail", admet-elle. Mais, conteuse dans l’âme, elle savoure surtout "cette liberté absolue de raconter ce qu’on veut". Et aussi de "raconter une histoire derrière l’histoire". "On vous raconte une histoire et puis derrière c’est porteur d’une certaine vision du monde, d’un certain questionnement ou de réflexion absolument formidable dans la littérature."
Le message qu’Isabelle Autissier entend délivrer dans "Le naufrage de Venise" n’est autre qu’un encouragement à changer nos modes de vie. Elle écrit : "La pandémie n’est qu’un avant-goût de ce qui guette ce vieux monde devenir fou, un avertissement." Pour la romancière, nul doute que "nous entrons dans l’ère des crises, on ne veut pas trop le savoir mais on le sait". "Notre modèle consumériste, notre système d’organisation économique et sociale est à bout de souffle et surtout il menace les fondamentaux de nos vies en société et peut-être même de nos vies tout court sur cette planète. Quand on voit qu’il fait plus de 50 degrés en Inde, je suis désolée mais à partir de 55, on cuit, les protéines coagulent donc on ne peut pas vivre !"
Rien ne sert cependant de céder à la peur. Isabelle Autissier encourage à "voir les choses en face", à ne pas "faire les autruches" et enfouir "sa tête dans le sable". "Il est encore temps évidemment et heureusement de faire face à tout ça", dit-elle. Se battre, inventer le monde de demain a quelque chose d’enthousiasmant. Cela passe par "nos changements de vie avant tout" et "une certaine forme d’arrêt du gaspillage, donc de sobriété". On peut être "lucide" et "enthousiaste" en matière d’écologie, si l’on agit pour inventer le monde de demain.
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