De plus en plus de romans nous parlent de la nature et du rapport au monde. Le roman d’écologie serait-il un nouveau genre littéraire en train d’émerger ? En tout cas, c'est déjà le nom d'un prix, le Prix du roman d’écologie. Il récompense des livres qui aident à se projeter, à questionner les discours ambiants et à éveiller les consciences. Des ouvrages qui permettent de construire le récit dont l'écologie a besoin pour infuser dans notre société.
Le roman d’écologie : est-ce un nouveau genre littéraire en train d’émerger ? C’est en tout cas déjà un prix, créé en 2018. Le Prix du roman d’écologie a été co-fondé par Alexis Jenni, prix Goncourt 2011, et par Lucile Schmid, essayiste, chroniqueuse sur RCF, co-fondatrice du think tank La Fabrique écologique. Pour elle, il manque à l’écologie "non seulement un récit mais un imaginaire". "L’écologie est en permanence écartelée entre l’idée de la technique et de la préservation de la nature, alors que dans ces romans il y a une sorte de liberté à être soi qui montre que l’écologie est aussi de la liberté retrouvée."
L'écologie en littérature, un effet de mode ? Il semble que de plus en plus de romans parlent de la nature et abordent la question du lien entre l’homme et son environnement. La lauréate du prix du Roman d’écologie 2021, Lucie Rico, n’avait pas l’intention d’écrire un roman d’écologie. Pour elle, "la littérature n’est pas seulement un moment d’évasion", elle peut être aussi "un moment pour creuser le langage, s’interroger sur ce qu’est un discours, essayer de repenser le monde avec les mots".
En matière d’écologie, on est souvent dans une veine dystopique, avec des histoires de fin du monde, de "dégénérescence" ou de "catastrophe", comme l’explique Lucile Schmid. Des récits qui décrivent "l’enjeu écologique du côté du noir, de l’angoisse". Des histoires comme celle du film "Don't Look Up : Déni cosmique", avec Leonardo DiCaprio...
On peut aussi aborder l’écologie en littérature "pour renouer avec son histoire intime, avec ce que nous dit le monde, avec la connaissance de la nature, s’intéresser aux espèces, à l’extrême complexité de la nature… c’est aussi ça que peut décrire le romanesque, la littérature", selon Lucile Schmid. Pour Ève Gabrielle, journaliste et auteure de "La part cachée du monde" (éd. La Mer salée), "on a besoin d’avoir des utopies réalistes ou en tout cas des pistes de réflexion qui nous permettent de nous projeter dans un avenir différent, avec peut-être moins de ressources, en prenant en compte les contraintes écologiques que l’on a, mais qui serait malgré tout un avenir dans lequel on pourrait se projeter, on pourrait avoir envie de vivre, et qui pourrait nous aider à lâcher prise sur le confort matériel qui nous entoure". La romancière, élue écologiste à la mairie de Bordeaux, fait le pari que plus on lira ce type de récit plus on arrivera à avancer dans la transition écologique.
Prix du Roman d’écologie 2021, "Le chant du poulet sous vide" (éd. P.O.L), raconte l’histoire de Paule, une citadine qui va devoir reprendre l’élevage de poulets familial après la mort de sa mère. Obligée de vendre ses poulets au marché, elle va surmonter son dégoût en imaginant les biographies de ses animaux. Son auteure, Lucie Rico, qui est aussi réalisatrice et scénariste, avait envie de "chercher dans [son] rapport au règne animal et aux animaux, et au langage marketing, ce qui [la] dérangeait". "Cette envie à la fois d’être connectée aux animaux, de continuer à les manger et de les désigner par des mots qui ne me semblaient pas correspondre." Pour Lucile Schmid, ce livre parle de "la tentative du marketing" pour "surmonter l’horreur de la mort des poulets". La fable de l’histoire, finalement c’est : "Est-ce que nous devons manger des poulets dont nous connaissons au fond la biographie ?"
Dans un tout autre genre, "La part cachée du monde" (éd. La Mer salée), d’Ève Gabrielle, est un récit initiatique de deux adolescents qui traversent une France coupée en deux. Alors que l'Europe s'est réorganisée suite à une panne géante d’électricité, le pays est divisé entre, au Nord, une société qui continue de fonctionner avec la technologie et des ressources issues du pétrole, et au Sud, une société qui a fait sécession. Et qui "réinvente une espèce de frugalité joyeuse". Ce dont deux visions du monde s’affrontent dans le livre d’Ève Gabrielle, fondatrice d’un atelier d’écriture sur le monde en 2050. Pour Lucile Schmid, la relation à la technologie fait partie des pistes particulièrement intéressante à explorer si l’on veut écrire un roman d’écologie. "Il y a quelque chose sur la conception du progrès…"
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