Il y a 40 ans disparaissait le dessinateur Hergé, de son vrai nom Georges Remi. Quatre décennies après, son œuvre fascine toujours autant. La preuve avec la couverture de "Tintin en Amérique", dessinée en noir et blanc qui s’est arrachée pour pas moins de 1,7 millions d’euros le 10 février dernier. Un nouveau record qui démontre que les tintinophiles sont toujours aussi nombreux. Parmi eux, Bob Garcia, qui révèle dans un livre les "ultimes secrets" d'Hergé.
Tout est parti d’archives. Alors qu’il finissait d’écrire son précédent livre "Tintin et l’histoire", Bob Garcia s'est mis à feuilleter quelques pages du journal du Petit Vingtième, un supplément belge destiné à la jeunesse dans lequel Hergé a fait ses gammes. "Je me suis rendu compte qu’il y avait des choses qui me faisait penser à Tintin, à des anecdotes", explique-t-il. Pour vérifier s’il s’agissait simplement de coïncidences ou non, il a alors décidé de se procurer l’intégralité des journaux – non sans mal – et de les décrypter. Un travail colossal qui lui a permis de trouver des indices sur les origines des personnages mais aussi des explications sur les aspects controversés de l'œuvre d’Hergé.
C’est dans ces archives qu’on retrouve notamment le petit garçon avec un chien dans un gag unique, qui deviendra Tintin sur les conseils d’un prêtre. C’est d’ailleurs cet homme d’Église qui a demandé à Hergé de faire voyager son héros en Union soviétique "pour dénoncer les excès de ce régime, l’horreur que ça a pu être avec des milliers de morts", relate Bob Garcia.
Critique, Hergé l’a aussi été vis-à-vis des États-Unis. Il a dénoncé "la société de consommation excessive, les villes qui poussent comme des champignons, et ces pauvres indiens qui sont virés à coup de baïonnettes de leurs réserves parce qu’il y a du pétrole en-dessous", détaille le spécialiste. D’après lui, le dessinateur se rangeait toujours du côté des opprimés, qu’il s’agisse des Amérindiens ou des Africains et Afro-Américains. "Il a donné un nombre incalculable de fois son avis sur la traite des Noirs aux USA et à chaque fois, il prend systématiquement la défense des Congolais, et d’une manière générale la défense des Noirs", assure Bob Garcia qui ne croit pas une seule seconde qu’Hergé ait pu être raciste. Une certitude qu’il a acquise à la lumière des archives du Petit Vingtième.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la position du dessinateur belge était très ambigüe vis-à-vis de l'occupant allemand. "Hergé préfère tout plutôt que la guerre. Même essayer de travailler avec l’envahisseur et travailler à quelque chose de nouveau, tente d’expliquer Bob Garcia, à l’époque il croit et il n’est pas le seul... qu’un ordre nouveau peut s’établir et qu’on peut imaginer un troisième pouvoir entre les soviétiques et les Américains ." Malgré son adhésion à cette mouvance pendant les premiers temps de la guerre, Hergé n’aurait jamais dénoncé de juifs et se seraient contentés de dessiner, d’après le romancier.
Pourtant le père de Tintin a souvent été taxé d’antisémite, notamment suite à la publication de nombreuses vignettes dans Le Petit Vingtième où les juifs sont caricaturés. Pour Bob Garcia, il ne s’agit que de gags parfois mauvais. Mais récurrent puisque l’auteur de "Hergé - Les ultimes secrets" (éd. Le Rocher) en a relevé une cinquantaine. Des gags qui étaient au même nombre sur l’avarice prétendue des Ecossais. "Il y a deux poids deux mesures. D’un côté, [Hergé et son collaborateur Paul Jamin prennent] la défense du faible quelles que soit les bandes dessinées et les époques, donc ils prennent la défense du peuple juif contre les nazis. En revanche de l’autre côté, il y a peut-être aussi un amalgame entre le juif et le banquier richissime aux USA", observe le Tintinophile. Hergé n’hésite d’ailleurs pas à critiquer l’affairisme dans L’Etoile mystérieuse.
Quant à son rapport aux femmes, il ne faut pas résumer Hergé à ses albums de Tintin, affirme le spécialiste. "Effectivement il n’y a pas beaucoup de femmes. On en a compté une cinquantaine, avec des petits ou des grands rôles, pas toujours les plus glorieux. La Castafiore elle-même est inspirée d’une femme réelle qu’Hergé connaissait... Mais elle n’est pas forcément à son désavantage dans tous les albums."
Et le chroniqueur de citer "L'Affaire Tournesol", dans lequel la Castafiore cache Tintin et le capitaine Haddock dans son armoire et les sauve. En dehors de l’univers du reporter à la houppette, Hergé a aussi réalisé des affiches publicitaires mettant en avant des femmes grandes, filiformes qui représentent les canons de l’époque. Mais faut-il les voir comme des "femmes-objets" ? L’époque joue pour beaucoup dans la perception que l'on en a...
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