Cette semaine, Marque Page met à l'honneur des ouvrages poignants et fascinants qui nous replongent dans les affres de la guerre.
Pinard de Guerre, de Pelaez et Porcel chez Grand Angle
Ferdinand est un planqué qui simule une infirmité pour échapper à la mobilisation et éviter de se retrouver dans les tranchées, face aux Allemands. Profiteur sans scrupules, il a fait fortune dans le commerce d'un vin fort douteux et frelaté qu'il vend à l'armée, allant même jusqu'à nuire à la concurrence pour être le seul fournisseur des poilus de sa région. Et alors qu'il écoule son vin près de la ligne de front, Ferdinand se retrouve malgré lui engagé dans le conflit et devient, avec ses compagnons d'infortune, prisonnier d'une tranchée prise entre deux feux.
[La] BD aborde un thème très peu connu sur les horreurs de la guerre. Pour faire face aux atrocités des combats, se donner du courage, les poilus consommaient en effet et en très grande quantité du vin souvent de piètre qualité. Pour l'État-Major, cette consommation était même un mal nécessaire pour envoyer leurs recrues à la mort. Officiellement décrié, on apprend que le vin est pourtant régulièrement acheminé vers les tranchées. Au début de la guerre, on distribuait quotidiennement 25 centilitres au poilu. Deux ans plus tard la dose sera d’un litre !
Le dessin réaliste de Francis Porcel est ici plutôt simple, sans fioriture mais toujours expressif et restitue avec justesse l’horreur des champs de bataille. A noter un dossier très intéressant de 8 pages en fin d’album décrivant l’évolution de la perception de l’alcool au croisement des deux derniers siècles.
La trilogie des Enfants du désastre de Pierre Lemaitre chez Albin Michel
La trilogie des Enfants du désastre commence par Au revoir là-haut (2013), qui se situe au début de la première guerre mondiale et se termine par Miroir de nos peines (2020) avec l'attaque de l'armée de l'Allemagne nazie contre la France en 1940. L'auteur n'oublie pas l'entre deux guerres avec le deuxième volume de sa trilogie Couleurs de l'incendie (2018)
Au-revoir là-haut, prix Goncourt 2013
Au sortir de la Première Guerre mondiale, deux anciens Poilus, Édouard Péricourt (fils de la haute bourgeoisie, dessinateur fantasque, rejeté par son père) et Albert Maillard, modeste comptable, font face à l'incapacité de la société française de leur ménager une place. Leur relation naît le 9 novembre 1918, juste avant la fin de la Grande Guerre. Une dernière attaque face aux allemands et Albert se retrouve alors enterré vivant dans un trou lors de l'assaut. In extremis Édouard sauve Albert d’une mort atroce au prix de sa défiguration par un éclat d’obus, faisant de lui une gueule cassée, alors qu'Albert, traumatisé, devient paranoïaque.
Couleurs de l'incendie est le second volet de la trilogie et prend Madeleine Péricourt, sœur d'Édouard Péricourt, pour personnage principal. En février 1927, le Tout-Paris assiste aux obsèques de Marcel Péricourt. Sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l'empire financier dont elle est l'héritière, mais le destin en décide autrement. Son fils, Paul, d'un geste inattendu et tragique, va placer Madeleine sur le chemin de la ruine et du déclassement. Un hommage à Alexandre Dumas, et plus généralement au roman du XIXe siècle, ce second volet de la trilogie se déroule entre 1927 et 1933 durant l'entre deux guerres.
Miroir de nos peines est le dernier volet de la trilogie des Enfants du désastre et raconte l'histoire de Louise Belmont, institutrice et serveuse occasionnelle dans le café-restaurant de Monsieur Jules, La Petite Bohême. Lemaitre pose sa narration dans le cadre de l'exode sur les routes de France entre le 6 avril et le 13 juin 1940 durant l'offensive allemande en France.
Madeleine, Résistante, T1 La Rose dégoupillée de Morvan, Riffaud et Bertail chez Dupuis
La petite Madeleine Riffaud, née en 1924, vit heureuse avec son grand-père et ses parents instituteurs. Du moins, jusqu'à ce que la Seconde Guerre mondiale n'éclate, que l'Exode ne jette la famille sur les routes et que l'adolescente, atteinte de tuberculose, soit envoyée dans un sanatorium perché dans les Alpes. Pourtant, Madeleine est bien résolue à réaliser un projet fou et nécessaire : trouver des résistants et lutter contre l'occupant. Elle y parviendra, sous le nom de code "Rainer". Son entrée dans la Résistance ne sera que le premier acte d'un destin exceptionnel qu'elle raconte aujourd'hui dans une première trilogie nourrie des milliers de détails d'une mémoire qui n'a rien oublié...
L’ouvrage en lui même avec sa mise en forme est une entière réussite qui met véritablement en lumière Madeleine Riffaud. Au dessin, Dominique Bertail restitue parfaitement les émotions de ses personnages et propose également des cadrages de grande qualité, revisitant à merveille les différents environnements que traverse Madeleine, qu’il s’agisse de la campagne, des rues Parisiennes ou bien évidemment de la montagne lors de son passage au sanatorium où il nous offre une séquence de très haute volée (l'arrivée de Madeleine est exceptionnelle !) graphique ainsi que de nombreuses et très belles pleines pages.
C’est donc un véritable coup de coeur que cet ouvrage Madeleine, Résistante qui va probablement terminer sur le podium des meilleures productions de l’année 2021.
Programmation musicale :
The Partisan, Leonard Cohen
Jeanne et Alexis vous donnent rendez-vous pour leurs coups de cœur du moment : romans noirs, littérature jeunesse, bandes dessinées...
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