Elle est partie de France, a traversé l’Europe jusqu’aux Balkans pour enfin rejoindre Jérusalem. Durant six mois, Aliénor de Vidal de la Blache a parcouru des milliers de kilomètres à pied en solitaire, dépendant de la générosité des personnes rencontrées sur son chemin et s’en remettant à Dieu pour la guider jusqu’à la ville Sainte.
Se lever, prendre son petit déjeuner, se préparer, puis fermer la porte de chez soi, comme tous les matins. C'est par ces gestes du quotidiens qu’Aliénor de Vidal de la Blache a quitté le confort de son domicile parisien pour ne le retrouver que 6 mois plus part, transformée par un pèlerinage en solitaire jusqu’à Jérusalem. La marcheuse livre son aventure humaine et spirituelle dans un ouvrage intitulé "Seule à pied vers Jérusalem" (Ed. Salvator).
Je suis partie toute seule mais j’avais quand même Dieu dans ma poche.
Pour Aliénor de Vidal de la Blache, l’envie de se lancer sur le chemin est né d’une part, de la sensation d’un décalage entre ses aspirations et sa vie, et de l’autre, d’une soif d’aventure et de dépassement. Marcher en solitaire s’est alors imposé à elle comme une évidence, confie-t-elle : "Seule, je vis les choses beaucoup plus intensément. Si je suis avec des gens, je me disperse beaucoup plus facilement."
Marcher en solitaire? Pas tout à fait, reconnaît Aliénor de Vidal de la Blache : "Je suis partie toute seule mais j’avais quand même Dieu dans ma poche." Celle qui a en réalité entrepris un véritable pèlerinage a vite compris qu’atteindre un exploit ne suffirait pas à combler sa sensation de décalage et que sa soif de sens passerait par le fait de faire de Dieu son compagnon de route. "Si Dieu n’était pas eu cœur de ce que je cherchais, je passerais à côté de ce qui ferait l’essentiel de ma vie." ajoute-elle.
L'idée, pour la pèlerine, de rejoindre Jérusalem à pied trouve son origine dans son envie de se rapprocher de Dieu dans sa matérialité humaine. Et où donc en effet aller si ce n’est sur le lieu où Jésus a grandi, vécu et est mort ?! : "Le pèlerinage, c’est cheminer d’une manière ou d’une autre vers une trace du divin. Une trace de quelque chose qui nous dépasse." témoigne Aliénor de Vidal de Blanche. "J’ai éprouvé le besoin de le [Dieu ] sentir dans mon corps, dans l’effort, dans ma vie."
Eprouver son corps… et s’abandonner à la providence. Aliénor de Vidal de la Blache a choisi d’improviser son périple. Ne sachant jamais où elle allait dormir le soir, la pèlerine a fait appel à l’hospitalité des rencontres faites sur son chemin, en s’en remettant à Dieu : "J’ai eu un besoin peut-être un peu adolescent de dire à Dieu : "Je pense que tu existes vraiment. En revanche j’ai du mal à croire que tu prends soin de moi. Je vais donc sauter sans filet et voir si tu me récupères." "
En France, Aliénor de Vidal de la Blache a souvent pu poser sa tente dans des fermes. "Il y avait à la fois ce lien humain, cette rencontre. Et je m'imposais un peu moins." explique-t-elle. En Albanie, la pèlerine a expérimenté une vraie solidarité et n’a jamais dormi dehors : "En Europe, on est très attentif à son espace vital. Beaucoup plus que dans les Balkans. En Albanie, le manque de place n’a à aucun moment été une raison de me dire non."
Il y a un vrai mystère dans ce qui se joue chez la personne qui accueille et celle qui est accueillie. On touche à quelque chose au cœur de l’humanité
La marcheuse a cependant quelques fois subi du rejet, notamment en Italie où un prêtre lui a spécifié ne pas avoir de place pour des gens "comme elle". "Qu’entendait-il pas des gens "comme moi", je ne sais pas. Mais j’ai senti qu’il me voyait dans une espèce de généralité, d’étiquette, de préjugé. Et ça, ca été très dur." Pour Aliénor de Vidal de la Blache, le rejet s’explique par la peur : "La peur d’accueillir l’étranger, de se faire voler, de se faire envahir dans son espace."
Ses expériences moins joyeuses n’ont pas entaché la gratitude de la pèlerine pour toutes les personnes qui lui ouvert leur porte : "Il y a un vrai mystère dans ce qui se joue chez la personne qui accueille et celle qui est accueillie. On touche à quelque chose au cœur de l’humanité. C’est éphémère, mais ca touche à l’essentiel, au plus profond."
Dépendant de ses rencontres, tributaire également de la météo, le chemin d‘Aliénor n’aura pas été sans embuches. La jeune femme s’est cependant fixé pour règle de ne pas jamais faire de stop durant son parcours et de vivre dans le plus grand dépouillement possible : "Accepter d’avoir moins permet de mieux réaliser ce que l’on reçoit", expose-t-elle. "Le chemin est à l’image de la nature qui est tellement belle après la pluie. La moindre petite chose qui arrive après une difficulté vient comme un cadeau inouï."
Pour la marcheuse, le chemin aussi est à l’image de la vie, qui ne peut être traversée sans adversité. Le parcourir dans une extrême sobriété permettrait ainsi de mieux faire face aux épreuves : "Ça a été un grand apprentissage pour moi qui avait une tendance au déni, à détourner les difficultés", observe Aliénor de Vidal de la Blache.
Et c’est tout aussi sobrement qu’elle est arrivée à Jérusalem. « Je n’ai pas ressenti beaucoup d’émotions devant les lieux saints à Jérusalem, qui se situent dans un quartier de la ville où tout est très reconstruit". La pèlerine a été plus sensible à la vue des remparts de la ville Sainte, se souvient-elle : "J’ai eu la sensation d’ancrer mes pas dans ceux de milliers de pèlerins avant moi."
Fin de parcours donc pour la pèlerine ? Pas vraiment, objecte-elle : "Ce chemin continue à travers ce que je vis et à travers mon livre aussi. On n’arrive jamais vraiment. Heureusement d’ailleurs."
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