Au nord-ouest de la Thaïlande, le village de Maé Wé habité par des Karens reçoit l'aide des Missions Etrangères de Paris pour développer des projets sanitaires, éducatifs, économiques.
Deuxième volet de ce reportage réalisé au nord-est de la Thailande, non loin de la Birmanie, auprès de la minorité ethnique des Karens.
Le père Alain Bourdery, des Missions Etrangères de Paris ( MEP) , vit ici depuis plus de 20 ans auprès de ce peuple, animé par la foi chrétienne, qui est vu avec une certaine condescendance par la majorité thaïe.
Avec ses maisons sur pilotis, ses habitants portant fièrement leurs tenues traditionnelles, entouré de forêts et de montagnes, le petit village de Maé Wé ( 200 habitants ) est devenu un village modèle dans la région, intégrant développement économique et préservation de l'environnement.
Mo Kafé, l'éléphant du village, est mis à contribution pour les gros travaux.
"J'ai un faible pour ce village, explique le Père Bourdery. D'abord, c'est le premier village chrétien donc la foi chrétienne de tout le secteur est arrivée ici, alors que ce village est l'un des plus isolés. C'est impressionnant de se dire que le Seigneur a choisi finalement l'endroit le plus reculé pour répandre la foi, même dans les petites villes à côté. Ensuite, c'est là où j'ai été envoyé pour apprendre le Karen et où j'ai été immergé pendant plusieurs mois. C'est là où j'ai eu le plus de contacts. Les gens se sont sentis dans l'obligation de m'aider ! Cela a donné lieu à de belles amitiés, à de belles rencontres".
La foi chrétienne, partagée par les habitants, doit inspirer la vie du village et se traduit dans la vie sociale. Des structures ont été mises en place : un conseil des anciens, un conseil des femmes, un conseil des profs... " Tout ce monde là essaie d'être inspiré par l'Evangile pour vivre ensemble", témoigne le prêtre missionnaire, au micro de Thierry Lyonnet. A l'église, cela se traduit par le fait qu'on reçoit la communion en arc de cercle. On ne la reçoit pas pour soi mais pour construire quelque-chose ensemble".
LE RITUEL MATINAL
Sur la place centrale, où se trouvent l'église, l'école et l'atelier de couturières de l'association Terres Karens, on retrouve Briac, un jeune volontaire de 22 ans, étudiant en école de commerce, qui a choisi de faire une année de césure auprès des MEP pour se mettre au service de la mission de Maé Wé. Un rituel réunit tous les enfants chaque matin pour chanter l'hymne thaïlandais, en montant les drapeaux et en priant pour le Roi, avec la répétition d'un ensemble de règles morales et la répartition des corvées de la journée. Ils apprennent aussi tous les jours un nouveau mot de la langue thaï et un nouveau mot en anglais.
Depuis que la paroisse a été fondée ici en 1962, le village a beaucoup évolué. " Beaucoup de choses ont changé dans nos vies, d'abord sur le plan de la santé. Les missionnaires m'aident pour développer des programmes de santé, ce qui fait que nous sommes tous dans de meilleures conditions sanitaires. Ensuite, sur le plan éducatif. Les pères MEP ont ouvert une école ici et ont permis à l'éducation de progresser. Aujourd'hui, tous les habitants savent lire et écrire, c'est un gros progrès", se réjouit le maire du village. "Les Pères MEP ont ouvert des chemins au sens propre comme au sens figuré", ajoute-t-il.
Si les jeunes quittent ce village, assure le Père Alain Bourdery, ce n'est pas par attrait pour la grande ville ou la société de consommation, mais pour trouver du travail. "Ils n'ont qu'une envie, c'est de revenir dès qu'ils ont amassé un peu d'argent".
Depuis 2010, l'atelier de couture Terres Karens réunit une équipe de femmes tisserandes et couturières. Au delà des tenues traditionnelles, l'atelier s'adapte aussi à la demande occidentale, en produisant des tabliers de cuisine, des sacs, des pochettes d'ordinateurs, des tapis de bain... L'objectif est de créer un revenu complémentaire pour une cinquantaine de femmes, afin de générer de l'emploi dans le village.
Responsable de l'atelier Terres Karens, Phili Mo témoigne avec joie et fierté : "ce projet a beaucoup changé la vie des femmes, que ce soit celles qui tissent ou celles qui sont à l'atelier de couture. D'abord parce que cela leur permet de gagner de l'argent, soit en recevant un salaire pour les couturières, soit en étant payées à la production pour les tisseuses. Elles peuvent ainsi économiser pour les études des enfants, améliorer le quotidien et faire plaisir aux petits. Avec ce projet, les femmes n'ont plus besoin d'aller travailler en dehors du village. Avant, certaines étaient séparées de leur famille."
Si ce village a des airs de petit paradis, l'unité est toujours à construire, rappelle le Père Bourdery. " Il y a des pardons à donner". Et il y a le poids de certaines traditions qui continue à peser, comme l'alcool, et peut créer des tensions familiales. Des habitants qui restent malgré tout joyeux, comme en témoignent leurs sourires si présents. "Il y a aussi cette idée de ne pas faire porter à l'autre le poids de ses sentiments. Donc si vous êtes triste, vous ne le montrez pas".
Pour suivre la mission du Père Alain Bourdery : les actus et chroniques de la montagne.
REPORTAGE RÉALISÉ EN MARS 2020, EN PARTENARIAT AVEC LES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE PARIS (MEP)
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