On a déjà parlé ici il y a quelques semaines du film d’animation JOSEP sur ces républicains espagnols qui avaient fui au moment de la victoire de Franco, pour se réfugier en France.
Et bien le cinéma continue d’éclairer cette période du franquisme, puisqu’"Une Vie secrète" commence à la même époque, en 1936, mais côté espagnol cette fois. Les trois réalisateurs, Arregi, Garano et Goenaga, s’intéressent aux opposants de Franco qui sont restés et qu’on a appelés "les taupes", parce qu’ils ont vécu cachés et enfermés pendant des années pour échapper aux représailles.
Le film nous raconte l’histoire de l’un d’entre eux, Higinio, un républicain modéré, dénoncé par ses voisins et pourchassé dans une première scène d’action saisissante. Et qui, grâce au soutien de sa femme Rosa, va rester caché plus de 30 ans dans sa propre maison.
Higinio au début tient par amour pour Rosa, ils traversent ensemble tous les sentiments du couple, exacerbés ici par la situation. La passion, puis rapidement les tensions, les doutes, la jalousie. Jusqu’à ce qu’un drame terrible supplémentaire ajoute encore un secret à leur mensonge.
Et puis c’est toute la prouesse du film ! Nous faire ressentir cet enfermement de l’intérieur, tout en nous maintenant sans cesse en haleine. Higinio vit dans un petit réduit, derrière le trou d’un mur, d’où il perçoit des bribes de vie. Et il faut noter le formidable travail fait sur le son, sur les cadrages, et sur la lumière, pour rendre compte de cette réalité incroyable.
Un extérieur dont on ne voit quasiment rien, si ce n’est à travers les actualités qu’il entend à la radio puis à la télévision. Et c’est l’autre intérêt du film, voir se dérouler en quasi hors-champ, 30 ans de la vie politique de l’Espagne.
Car les années passent. Ils ont un fils, Jaime, dont ils cachent l’origine évidemment. Et puis avec le temps aussi, les espoirs de liberté déçus pour Higinio : en 1945 avec l’armistice, à l’entrée de l’Espagne à l’ONU en 1955, la visite d’Eisenhower à Madrid… jusqu’à l’amnistie générale de 1969, soit 33 ans après le début de son confinement !
La construction en chapitre du film n’est pas toujours très claire au début mais le film réussit bien en revanche, à rapprocher la petite histoire d’Higinio et Rosa, avec celle de l’Espagne. À retranscrire ce sentiment général de peur, de suspicion et de secrets enterrés, qui a marqué le pays pendant si longtemps. Et qui est difficile à comprendre et à accepter pour les nouvelles générations.
Mais dont on peut sortir par la grâce de l’amour et le courage un jour, de se dresser dans la lumière.
Le mercredi c'est le jour où sortent les nouveaux films au cinéma. C'est aussi le jour pour écouter, à 8h45, La Chronique cinéma de Valérie de Marnhac !
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !