Voler dans l’espace, c’est une expérience que des milliers de personnes rêvent de vivre un jour. Jean-François Clervoy, est l’un des quelque 600 personnes au monde à avoir eu cette chance. Dans le livre "Entretiens avec un astronaute – 100 questions sur la Terre, l’espace et notre avenir", écrit avec Frank Lehot et paru en 2022 aux éditions Deboeck, l’astronaute raconte son parcours et l’émerveillement, mais aussi les interrogations que suscite un vol en orbite terrestre.
C’est en 1985 que le rêve commence pour Jean-François Clervoy. Celui qui est alors ingénieur aéronautique postule à un appel à candidatures pour rejoindre un corps d’astronaute. "J’avais le goût de l’aventure, j’avais passé tous mes brevets de parachutisme, de pilote privé, j’étais ingénieur, j’avais une bonne logique et j’adorais résoudre les problèmes", énumère-t-il. Âgé d’alors 26 ans, il n’hésite pas et postule. Contre toute attente, il est retenu. "C’est là où j’ai eu le bouleversement intérieur le plus fort", sourit-il. Il lui aura malgré tout fallu attendre neuf ans pour enfin être sélectionné pour son premier vol habité dans l’espace. Un laps de temps nécessaire pour apprendre les rudiments du métier et devenir un bon astronaute, ou plutôt "un opérateur de machines complexes en environnement extrême, hostile, confiné et isolé", pour reprendre ses termes.
Cette préparation longue et intense lui permet d’aborder son premier vol en toute quiétude, malgré les risques d’explosion. "Le jour du décollage, je le ressens presque comme quelque chose de normal dans ma vie, parce que ça fait des mois que je m’entraîne pour ce moment. La peur pour moi, c’est la peur de l’inconnu", explique-t-il en décrivant la checklist qu’il a sur la cuisse avec le plan à suivre en cas de problème.
Sa fusée s’élance depuis la Floride, à midi, sous un ciel bleu éblouissant. "Au bout de deux minutes, le ciel est noir d’encre, mais il y a toujours le soleil dans le champ de vue", décrit-il. Six minutes plus tard, les moteurs s’arrêtent, l'orbite est atteinte et la vitesse du vaisseau est désormais de 28000 km/h. C’est là que se déclarent les premières sensations liées à l’apesanteur. "Avant même d’aller vers le hublot, la sensation bizarre c’est le fait de se mettre à flotter, et ça c’est complètement extraterrestre. C’est très ludique", s’exclame-t-il.
On se sent à part d’une expérience unique, rare et vraiment extraterrestre au sens physiologique, physique dû à l’apesanteur et psychologique avec l’overview effect.
Cet état de flottaison lui donne le sentiment de n’être qu’une "conscience flottante". "Et vous vous posez des questions sur votre destinée", dit-il. Des questions sur le sens de la vie, de la sienne surtout, mais aussi des questions existentielles, philosophiques qui se bousculent dans son esprit et sont amplifiées par l’overview effect, le fait de voir la Terre de loin. "C’est waouh, s’exclame-t-il, vos yeux n’ont jamais focalisé à cette distance, vous n’avez jamais vu la terre sur un arrière-plan totalement noir." Derrière le hublot, l’astronaute aperçoit les ouragans en formation, la fumée des volcans, le reflet de la lune sur le Gange, les éclairs qui se propagent d’un nuage à l’autre…
J’ai volé avec des astronautes créationnistes, d’autres très croyants et pratiquants, d’autres athées. Donc on a chacun nos éducations, nos croyances mais nous sommes tous également émus et admiratifs de ce que l’univers a réussi à créer
"La sensation provoque l’émotion d’émerveillement. Et cet émerveillement une fois passé, vient l’interrogation intellectuelle : finalement la planète c’est quoi ?" Il se répond à lui-même : C’est un vaisseau spatial, où se côtoient des gens de différentes nationalités, cultures et croyances... Il souhaiterait ainsi voir les Hommes se comporter entre eux comme s’ils avaient une mission commune à accomplir. Pour Jean-François Clervoy, vivre l’expérience de vol habité dans l’espace serait plus bénéfique encore pour les hommes de pouvoir : "S’ils avaient l’expérience de l’overview effect, ils reviendraient en ayant les mêmes valeurs et les mêmes principes de travail en coopération que nous vivons nous dans notre mission spatiale."
Transformé par cette expérience, l’astronaute reste fasciné par cet univers né il y a 13,8 milliards d’années, et sur sa création divine ou non. "J’ai volé avec des astronautes créationnistes, d’autres très croyants et pratiquants, d’autres athées. Donc on a chacun nos éducations, nos croyances mais nous sommes tous également émus et admiratifs de ce que l’univers a réussi à créer", assure-t-il. Jean-François Clervoy s’interroge aussi sur l’existence ou non d’une autre forme de vie dans l’univers. Et il l’admet : il aimerait même que la vie extraterrestre soit une réalité : "Si un jour ils peuvent nous prendre visite, peut-être que ce serait sympa !"
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