Pendant un mois, les chrétiens sont invités à vivre le Temps pour la création. Ils sont appelés à renouveler leur lien à la nature à travers la célébration, la conversion et l’engagement commun. Dans les textes bibliques, le prophète Amos s'impose comme un précurseur du respect vis-à-vis de cette création.
"Que la justice et la paix se répandent". C’est le thème du Temps de la création de cette année. Tirée du livre du prophète Amos, cette citation peut servir de guide pour les chrétiens d’aujourd’hui. Berger du VIIIe siècle avant J.-C., Amos connaît la nature et la vie agricole. Alexandre Masson, prêtre jésuite, parle de lui comme d’un "visionnaire plaidant pour une réunification du peuple du Nord et du peuple du Sud, pour que tous se sentent membres de la famille des enfants de Dieu". Amos s’adresse à l’humanité. "Par sa bouche, le Seigneur annonce des catastrophes, parce que le peuple a rejeté les avertissements", souligne Robin Sautter, pasteur, initiateur et président du label Église verte depuis 2021.
Si le livre d’Amos adopte un ton sévère et anxiogène, il y a une place pour l’espoir et la possible joie retrouvée. Cet espoir, il se caractérise aujourd’hui par des initiatives concrètes. Alexandre Masson est membre de l’équipe du nouvel éco-centre spirituel du Châtelard, à Francheville (69). Depuis un an, ce centre spirituel jésuite s’attache à "accompagner la transition écologique et sociale en tant que chrétiens".
Amos annonce une catastrophe, dénonce le mépris du faible et appelle à la conversion. Dans le chapitre cinq, il ajoute : "mais que la droiture soit comme un courant d’eau, et la justice comme un torrent qui jamais ne tarit". "J’entends très fort le courage du prophète qui alerte, qui dérange et qui réveille face à l’indifférence des notables", témoigne Alexandre Masson. Le livre d’Amos est très actuel, dans la mesure ou il dresse une une critique très radicale de la société de son temps, en reprochant au peuple son insouciance, la cupidité de ses classes dirigeantes ou la rapacité des marchands. En cela, il peut être lié à la notion de justice.
"On est amenés à redécouvrir la relation à la création. On l’oublie parfois ou on la met de côté", constate Alexandre Masson. La création peut elle aussi être "le lieu d’une blessure, avec un enjeu de restauration, de salut, d’espérance". Pour Robin Sautter, la justice climatique est un "travail qui croise complètement celui de l’Église catholique".
Au sein même des tribunaux, cette justice climatique se fait de plus en plus présente, avec par exemple l’Affaire du siècle qui attaque le gouvernement pour inaction climatique. "Je trouve que c’est original et que ça déplace nos représentations", note Alexandre Masson. En Nouvelle-Calédonie, les tortues et les requins ont une nouvelle personnalité juridique. Robin Sautter estime que, comme au procès de Valladolid, "on assiste aujourd’hui encore à une révolution de la pensée". Cette réinvention s’opère aussi dans le monde de la justice à l’heure de l’urgence écologique.
Le livre d’Amos insiste sur la responsabilité de l’humanité dans la création : "l’homme doit être gardien et intendant de cette terre", ajoute Robin Sautter. Pour lui, les chrétiens doivent reprendre le pouvoir sur l’économie pour la mettre "au service du projet de Dieu et pas de nous-mêmes". "C’est faire preuve d’arrogance et se mentir à soi-même que de se dire que nous sommes maîtres de la vie", insiste-t-il.
Le Pape François évoque quant à lui la "clameur de la terre". Le 4 octobre prochain, jour de la Saint François, une nouvelle encyclique concernant la création est attendue, dans la suite de Laudato Si. "Ce dont on a besoin je pense, c’est d’un discours qui pointe du doigt les nouvelles manières de vivre. On a besoin de lieux d’incarnation pour avoir une foi très forte et ne pas simplement subir les effondrements qui nous attendent", estime Alexandre Masson. Robin Sautter mise quant à lui sur un travail au niveau œcuménique, dans l’action et le témoignage.
Si l’on devait nommer des prophètes aujourd’hui, il s’agirait peut être des scientifiques ou des activistes qui, à la manière d’Amos, alertent et éveillent les consciences face au dérèglement climatique. Pour Robin Sautter, "Dieu nous parle par tous les moyens qui lui semblent bons", et son message peut passer par les personnes qui s'attachent à faire changer les choses concrètement.
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