On compte 197 États parmi les parties prenantes de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. La COP est une forme d’assemblée générale annuelle de cette Convention, et repose par la force des choses sur une coopération internationale des pays signataires. Ils s’engagent à respecter leurs promesses, qui diffèrent en fonction des pays.
Pour qu’une COP soit menée à bien, la première chose est que les États répondent "présent". Hormis les gouvernements, une multiplicité d’acteurs se rend sur place pour assister à l’événement. Charm el-Cheikh voit ainsi évoluer des ONG, des grandes entreprises, des marques ou des citoyens. Parmi ces citoyens, Alexandra Deprez. Elle est chercheuse à l’Iddri, et travaille sur la coopération et la gouvernance internationale sur le climat. Présente aux COP depuis plusieurs années, elle explique le fonctionnement concret de ce sommet. "Concrètement, chaque pays vient avec une délégation. Cette année, il y a 35.000 délégués, dont beaucoup d’observateurs, d’acteurs sous étatiques ou de journalistes." La taille des délégations varie en fonction des pays. Et quand on demande à la chercheuse ce qu’est une journée type à la COP, elle répond que "beaucoup de choses se passent". Si le cœur historique des COP est la négociation, elles sont aussi le lieu de déclarations politiques et de négociations techniques. "Comme une énorme foire du climat !" illustre l’intervenante.
Depuis les accords de Paris en 2015, les COP sont le théâtre d'interactions entre plusieurs mondes : les États et les peuples, le Sud et le Nord, les pauvres et les riches. La COP, en somme, n’est pas un organisme qui prend des décisions. Le but est d'œuvrer à ce que chaque pays prenne les bons engagements dans un sommet éphémère.
Le fonctionnement propre aux COP peut à cet égard être remis en question. Le changement climatique traversant les frontières, est-il pertinent de fonctionner à l’échelle nationale ? Les émissions de gaz à effet de serre de la France, par exemple, ont une influence dans d'autres pays. La mondialisation et les importations font accroître les émissions de GES ailleurs que sur notre territoire. D’où l’importance de cette "dette climatique" dont on entend beaucoup parler ces derniers jours. Par ailleurs, au sein même d’un territoire, l’empreinte carbone ne peut être calculée correctement, sachant que les personnes les plus riches sont celles qui émettent le plus.
Après un été caniculaire et de nombreuses catastrophes climatiques à travers le monde, les militants espéraient une COP à la hauteur des enjeux. Mais le contexte particulier de la guerre en Ukraine ébranle le fonctionnement du sommet. Pour Julien Lefèvre, chercheur au Cired d'AgroParisTech et contributeur du Giec, la COP27 est "perçue comme une COP de routine". Selon lui, le sommet actuel n’est pas associé à une discussion très engageante sur l’augmentation de l’ambition. Les chefs d'États russe ou chinois sont absents, bien que leurs délégués prennent la parole dans les négociations.
Les enjeux de la COP cette année sont les financements entre le Nord et le Sud. Les "pays riches" se doivent d’épauler les pays dits "en développement" pour les aider à réduire leur émissions. L’adaptation est elle aussi au cœur des débats. Julien Lefèvre évoque des "écarts à multiples niveaux avec les objectifs de base". L’objectif des 1,5 degrés peine à être respecté, tout comme les promesses de 2030. Le scientifique reste optimiste : "Des efforts ont été faits, comme par exemple la décélération de l’augmentation des GES." Cela permet selon lui d’éviter un scénario apocalyptique. Il nous faut cependant "accroître l’ambition à tous les niveaux", ajoute-t-il.
Pour illustrer ses propos, Alexandra Deprez rappelle que "si on atteint +2 degrés, 37% de la population mondiale sera soumise à des chaleurs extrêmes, contre 14% si on reste à 1,5 degrés". Dans le scénario des 2 degrés, plus de 99% des coraux seraient détruits. Le travail des États est de minimiser à tout prix la hausse des températures, notamment pour que les îles vouées à disparaître puissent être protégées. Julien Lefèvre évoque à cet égard des "enjeux plus que climatiques. Les COP sont éminemment diplomatiques." La crise en Ukraine reflète "notre vulnérabilité : on doit réduire notre dépendance". Dans une réponse faite en ligne, Emmanuel Macron a présenté la France comme une bonne élève, avec une diminution de 55% des émissions d’ici à 2030. Cet engagement s'inscrit dans une volonté globale de l'UE. Julien Lefèvre évoque un "objectif ambitieux", et rappelle que la France a "besoin de rénovations profondes pour ne pas rester à mi-chemin de l’adaptation".
Julien Lefèvre souligne le pouvoir et le devoir des États : les gouvernements sont ceux qui par la loi peuvent "limiter la catastrophe". Mais attendre patiemment l’action des gouvernements n’est pas envisageable pour le militant. "La seule façon de nous en sortir sera une bonne gouvernance et un bon dialogue entre les différentes parties prenantes." Les COP sont l’occasion pour les pays vulnérables de se faire entendre. Si 28 pays ont pour le moment renouvelé leurs engagements, Julien Lefèvre estime que, "mises bout à bout", les politiques en place ne font pas le poids par rapport à nos objectifs de 2030.
Pour ne pas tomber dans un défaitisme et se laisser ronger par l’éco-anxiété, "la vertu de l’espérance est essentielle". Pour Julien Lefèvre comme pour Alexandra Deprez, "il faut agir avec tout ce qui est à notre disposition". Julien Lefèvre rappelle que chacun d’entre nous est "un consommateur, un salarié", et que c’est en faisant des bons choix que nous pourrons avoir un impact minime sur le changement climatique. Le pape François dit en ce sens que "chaque acte est un acte moral". Alexandra Deprez opine et invite les citoyens à mettre la pression sur les gouvernements, "soit par une action directe, soit via des associations qui aident les pays du Sud". La chercheuse se souvient de la COP26, mouvement de bascule pour le greenwashing. "Les entreprises doivent maintenant respecter leurs promesses." Mises en place par un groupe d’experts de haut niveau, dix recommandations ont été faites aux grands patrons, qui "ne peuvent plus se cacher derrière leurs engagements".
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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