L’utilisation de l'urine comme engrais naturel, une idée surprenante qui suscite l'intérêt des citoyens, des agriculteurs, et même des scientifiques. Une pratique encore peu connue du grand public, mais qui pourrait bien offrir une alternative écologique et économique aux engrais chimiques. L'urine, est-elle vraiment efficace ? Et surtout, peut-elle s’inscrire dans une transition agricole durable ? Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand.
L’urine est riche en nutriments comme l'azote, le phosphore et le potassium, et elle pourrait offrir une alternative écologique et économique aux engrais chimiques, dont la production est énergivore et polluante. Différents programmes de recherches et entreprises se mobilisent pour collecter l’urine. Leur objectif : arrêter de gaspiller nos propres ressources et les valoriser.
L’utilisation de l’urine dans l'agriculture et dans la fertilisation des plantes date de l’Antiquité et a connu "un renouveau dans les années 1990", affirme Louise Raguet, designer, membre du programme OCAPI, à l'origine du projet Enville de l’École nationale des ponts et chaussées. Mais les engrais chimiques, vivement critiqués car peu écologiques, se sont fortement développés, au détriment de l'utilisation de l'urine comme engrais naturel. Selon l'ingénieur Renaud de Looze, "l'urine est l’un des meilleurs engrais naturels qui existe. C’est un produit liquide qui se transforme rapidement en minéraux ce qui est très bien pour les plantes. Mon conseil pour un engrais simple et pas cher, c’est l’urine".
L'urine est l’un des meilleurs engrais naturels qui existe.
Toutefois, son utilisation peut inquiéter. “L'urine comporte-t-elle des risques sanitaires, quand on sait que de nombreuses infections ou bactéries sont contenues dedans ?", se demande Gérard, un auditeur. Renaud de Looze répond : "Il faut bien la diluer et il existe plein de façons d'hygiéniser l’urine. L'OMS recommande de la stocker dans des bidons durant un ou deux mois." D'autres procédés existes pour "nettoyer" l'urine, grâce notamment aux UV ou avec du charbon actif. Des entreprises développent aussi des processus plus techniques. C'est le cas de Piwee, fondée en 2023 par Priscillien Tambuzzo : "on met vraiment une double barrière physique entre l’urine et le produit final avec une extraction très fine dans laquelle on va vraiment chercher la molécule. L'intérêt de Piwee sur le marché actuel, c’est la capacité à traiter toutes les bactéries." D’un point de vue jardinage, il est possible “d’asperger son végétal d’urine” mais il faut être prudent et bien “le nettoyer", conseille Renaud de Looze. Plus généralement, il recommande même de “stopper la fertilisation 15 jours avant la récolte, pour que le végétal ait bien le temps de tout assimiler et d’éviter le surplus de nitrate”.
Comment faire connaître à une plus large échelle ? Même si de nombreux citoyens utilisent déjà leur urine pour leur portager, cette technique reste trop méconnue du grand public. Le programme de recherche OCAPI, à l'origine du projet Enville de l’École nationale des ponts et chaussées participe à la communication de différents projets sur l’utilisation de l’urine comme engrais. "C’est un petit monde pour le moment, mais des immeubles s’équipent petit à petit de systèmes de collectes d'urine. Les habitants sont très motivés, ça nous a même beaucoup surpris".
Dans un quartier de Paris, tous les appartements seront équipés de toilettes à séparation d’urine.
Cet objectif de réutiliser l’urine ne sort pas de nulle part, pour Priscillien Tambuzzo, qui a travaillé pendant plusieurs années dans une station d'épuration proche de Lyon. "Ce qui m’a convaincu, c’est lorsque je me suis rendu compte que l’on détruisait nos propres ressources dans les eaux usée", témoigne-t-il. Le principe de l'entreprise Piwee repose sur "la volonté de conserver les nutriments dans l'urine pour les réutiliser en agriculture. Pour cela, on récupère chaque molécule d’azote, de phosphore et on en fait un engrais disponible", raconte Priscillien Tambuzzo.
Louise Raguet est engagée dans le projet Enville à échelle citoyenne, mais aussi dans des projets à grande ampleur notamment à Paris "Dans un quartier du 14e arrondissement qui fait presque quatre hectares pour 1000 habitants, tous les appartements seront équipés de toilettes à séparation d’urine. C'est-à-dire avec deux évacuations. Une à l'avant pour l’urine et une à l’arrière pour le reste. Et cela ne change pas l’habitude des citoyens", explique la designer en objets du quotidien. L’urine est redirigée par la suite "dans une petite usine de traitement qui va la transformer en un fertilisant adapté à l'agriculture", complète-t-elle.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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