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L'agriculture biologique : un atout pour le climat ?

Un article rédigé par Bénédicte Buisson - RCF Calvados-Manche, le 18 mai 2024 - Modifié le 24 mai 2024
L'agriculture en question(s)L'agriculture biologique : un atout pour le climat ?

Alors qu’on attribue à l’agriculture française 20 % des émissions de gaz à effet de serre, comment l’agriculture bio diminue-t-elle son empreinte carbone ? Est-elle plus résiliente face au changement climatique ?
 

La Manche est le département normand qui compte le plus de fermes bio @ALIOT_PNRMCBLa Manche est le département normand qui compte le plus de fermes bio @ALIOT_PNRMCB

La Normandie compte 2361 exploitations bio, c’est 7 % de la surface agricole régionale, selon les derniers chiffres de l’agence bio de 2023 (données de 2022). La Manche en dénombre 678, dont 256 fermes laitières. L’agriculture bio est soumise à un cahier des charges précis. Au niveau des cultures, les pesticides et les engrais chimiques ne sont pas autorisés. Pour ce qui concerne l’élevage, les animaux mangent, en majorité, des aliments produits sur la ferme. Les agriculteurs limitent les traitements antibiotiques, et se concentrent sur la prévention pour réduire les maladies. « Il faut le rappeler, les agriculteurs bio sont volontaires. Ils payent eux-mêmes un organisme certificateur qui vient contrôler le respect du cahier des charges », explique Caroline Tostain, conseillère bio à la Chambre d’agriculture de Normandie. Des contrôles ont lieu au moins une fois par an, de manière programmée ou inopinée.

Le mode de production bio présente de nombreux bénéfices pour la protection de l’environnement et pour le climat. « Les systèmes bio reposent sur l’autonomie. Ils ne font pas venir des camions d’aliments pour nourrir les animaux, n’utilisent pas des surfaces cultivées ailleurs, en France ou à l’étranger. Ainsi, ils réduisent les gaz à effet de serre », ajoute Caroline Tostain.

Les prairies : des puits de carbone

Après une conversion en 2018, Delphine Fontaine est passée de 21 à 64 hectares de prairie. « Travailler l'herbe est plus agréable que produire du maïs. Cela me semblait incohérent de produire du maïs, alors que pour moi, une vache est censée manger de l’herbe, c’est son aliment principal. »

Une prairie peut stocker entre 500 kilos et une tonne de carbone par hectare et par an. « La nature est bien faite, tous les gaz qu’une vache émet dans la nature sont compensés par les prairies », explique Emmanuel Auguste. Agriculteur biologique depuis 24 ans, à Trelly dans la Manche, il met ses vaches laitières à l’herbe 300 jours par an.
 

Reportage dans la ferme d'Emmanuel Auguste

Autre bienfait de l’herbe, lorsqu’elle est pâturée, elle apporte au lait beaucoup d’oméga 3 et d’oméga 6, aux nombreux bienfaits pour la santé. Des recherches sont menées sur l’intérêt des oméga 3 et oméga 6 pour la réduction du méthane. « Les animaux correctement alimentés avec ces omégas, produisent moins de méthane », explique Caroline Tostain.

Les recherches menées sur les prairies sont nombreuses. On étudie par exemple l’effet albédo de l’herbe. La prairie réfléchit la lumière vers le ciel, réduisant ainsi la chaleur au sol, ce qui contribue à atténuer le changement climatique. 

En agriculture bio, des prairies sont intégrées dans des rotations de culture pour limiter les intrants. L’enjeu, aujourd’hui, est de faire durer les prairies le plus longtemps possible, on parle de prairies permanentes. « L’implantation de prairie a un coût, et avec les aléas climatiques, c’est plus compliqué de réussir une implantation. Garder les prairies, cela permet aussi de limiter le passage du tracteur. Plus une prairie dure, plus elle stocke du carbone. Ça n'a que des bénéfices de faire durer des prairies aujourd’hui », explique Caroline Tostain.

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Des agriculteurs bio toujours en recherche pour réduire leur empreinte carbone

Rassemblées dans le GIEE* Lait bio bas carbone depuis 2018, 12 fermes de la Manche se réunissent régulièrement pour chercher des moyens de réduire leur empreinte carbone. Le groupe a d’ailleurs été récompensé lors du Salon de l’agriculture 2024 dans le cadre des trophées de l’agroécologie.

Tous les agriculteurs ont réalisé leur bilan carbone pour avoir une idée de leur émission et stockage de CO2. « Il s’agit d’un diagnostic, ce sont des estimations pour évaluer combien de gaz à effet de serre sont émis et combien sont stockés », précise Caroline Tostain.

©RCF Manche

« Les fermes en bio, très autonomes, on a déjà fait beaucoup de progrès sur les intrants, donc il est normal que l’animal devienne la source d’émission principale », ajoute Caroline Tostain.

Première piste pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : la diminution des effectifs. Etienne Legrand a réduit progressivement le nombre d’animaux en phase de croissance et le nombre d’animaux improductifs.

Autre thème d’expérimentation, la qualité de l’herbe. L’enjeu est de maintenir des systèmes de production autonomes, avec des prairies résistantes et productives. Les agriculteurs cherchent des variétés d’herbe plus résistantes au changement climatique. 

L’agriculture bio est-elle plus résiliente face au changement climatique ?

Les membres du GIEE Lait bio bas carbone remarquent qu’ils ont été impactés quatre années sur cinq par des aléas climatiques depuis 2018. La Normandie n’est pas épargnée par des périodes de sécheresse et de pluies abondantes, avec de forts écarts de température. Delphine Fontaine nous confie qu’ils ont eu beaucoup de mal, avec la sécheresse, à mettre en place le système de prairie auquel ils avaient pensé, se retrouvant obligés par moment de nourrir les vaches à l’auge.

Pour Caroline Tostain, il faut donc veiller au nombre d’animaux présents sur la ferme. « Le fait d’avoir un nombre maîtrisé d’animaux, cela permet de faire du stock et donc d'avoir la capacité de produire des fourrages pour les périodes plus tendues. »

Étienne Legrand remarque que l’agriculture bio est plus rapidement impactée par le changement climatique. « Elle n’a pas toujours l’outil de l’agriculture conventionnelle pour pallier à l’instant T une maladie, une période compliquée. Par contre, on n’a pas de monoculture, on a du fourrage, donc sur le long terme, on va mieux s’en sortir. »

Pour Caroline Tostain, la résilience des systèmes bio repose sur leur autonomie. « On est à des échelles raisonnées, on est peu dépendant de l’extérieur. Mais on a encore beaucoup de choses à faire pour s’adapter ».
 

* GIEE : Groupement d'intérêt économique et environnemental

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