Le Puy-en-Velay
Avez-vous vraiment besoin de ce vêtement ou de cet objet ? Les critiques envers la société de consommation sont nombreuses. Entre envie, vecteur social et réelle nécessité, qu’est-ce qui nous pousse à toujours acheter plus ? Comment trouver le juste milieu et qu'est-ce qui change lorsque l'on est croyant ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Les soldes concentreraient-elles nos paradoxes ? Alors que le discours ambiant répète à l'envi la nécessaire sobriété, et le refus du superflu, force est de constater qu'il est difficile d'échapper à la consommation, et qu'elle fait même partie des plaisirs. Mais en revenant régulièrement, les soldes finissent-elles par lasser ? "Elles n'ont plus la même importance, ni le même rôle. Et ne génèrent plus autant d'excitation qu’il y a plusieurs années" indique Jean-Claude Daumas, professeur d’histoire émérite à l’université de Franche-Comté et spécialiste de l’histoire de la consommation. En cause notamment, les périodes de promotions, comme le Black Friday ou les ventes privées, la multiplication des échoppes discount, ou encore les sites de vente en ligne de seconde main. Anne Vaal, enseignant chercheur en sciences de gestion, dans le domaine du marketing adopte la même posture mais ajoute que "les soldes restent un marqueur important de la société de consommation".
"La consommation permet d’exprimer des valeurs personnelles et de signifier l'appartenance à un groupe, une communauté ", décrypte Anne Vaal à travers ses recherches. Plus concrètement, il n'est pas évident de s'extraire d'une société où la consommation est reine. Jean-Claude Daumas ajoute que "les choix de consommation se déterminent par rapport aux normes qui changent avec le temps". Ce phénomène s'est ressenti durant les Trente Glorieuses, où "la consommation rimait avec modernité et bien-être", ajoute l'auteur de "la révolution industrielle, une histoire de la consommation en France", publié aux éditions Flammarion. Et de citer la course à l'électroménager, et son corollaire : un réel progrès dans les foyers avec l'arrivée des machines à laver, des réfrigirateurs, etc.
Un autre fait intéressant est celui de la "distinction sociale" où les consommateurs achètent pour inverser la norme. "Tout en aspirant à consommer davantage, les gens cherchent à se distinguer de ceux qui sont en-dessous d’eux et essayent de rattraper la strate sociale au-dessus", analyse l’historien. Aujourd’hui, et depuis les années 1980, "le style de vie s’est modernisé à la suite d'un effet de masse", selon Jean-Claude Daumas. Les consommateurs se distinguent désormais grâce à de petites différences sur leurs produits relativement similaires. L'exemple le plus parlant reste les écarts de qualité et de prix des smartphones qui permettent de faire la même chose. La consommation ne répondant plus à un besoin de modernité, les industries ont dû créer ces différences "pour accroître leurs ventes", face à l’intensification de la demande et de la concurrence.
La production de masse incite à consommer davantage. Jean-Claude Daumas révèle qu’au XIXe siècle, "la majorité de la population est en mesure de satisfaire, et pas toujours très bien, les besoins de subsistance", c'est-à-dire le fait de manger ou s’habiller à sa convenance. Pour l’historien, "aujourd’hui, et même depuis 1945, on a une société dans laquelle on satisfait ses besoins de subsistance mais on va bien au-delà. Logement, vacances, santé, culture : il n’y a pas un domaine qui n'échappe pas à la consommation de masse, c’est envahissant". Corinne, une auditrice, témoigne de cette "trop grosse sollicitation" à acheter toujours plus. Elle a trouvé une solution radicale et amusante pour y remédier : "je mets moins mes lunettes donc j’achète moins, mon regard est apaisé".
depuis 1945, on a une société dans laquelle on a satisfait ses besoins de subsistance. Logement, vacances, santé, culture : il n’y a pas un domaine qui n'échappe pas à la consommation de masse, c’est envahissant
Et si la foi pouvait infléchir ce mode de vie ? Se recentrer sur sa spiritualité serait aussi un moyen de réfléchir à sa consommation excessive. Pierre-Antoine, un auditeur, confie qu’à l’approche de son baptême, sa façon de consommer a littéralement changé : "avant, j’étais malheureux de ce que je n’avais pas au lieu d’être heureux de ce que je possédais déjà", relate-t-il. "Depuis que j’ai rencontré Jésus, c’est la vraie joie", conclut Pierre-Antoine. Anne Vall confirme qu’un "changement de mode de consommation est souvent lié à un événement de transition dans notre vie". Dans le cas de Pierre-Antoine, la chercheuse explique que c'est "une posture de gratitude qui amène à se contenter de ce que l’on a". Celle-ci est nourrie grâce à une certaine “comparaison sociale ascendante”, c’est-à-dire que ces personnes vont venir se comparer aux plus pauvres au lieu de regarder du côté des plus riches. L’envie d'acquérir toujours plus sera effacée par le sentiment d’être comblé.
Mais pourquoi diaboliser ce mode de vie ? Jean-Claude Daumas assure qu’il est "très difficile de s’en libérer car la consommation, c’est la vie. Si vous cessez de consommer, la vie s’arrête. La véritable question est de savoir choisir son mode". S'agit-il d'une question d'éducation, voire de conversion ? : Pour Anne Vaal, "il est compliqué de sortir de ce mode de vie. Il faut trouver un juste milieu entre la sous-consommation inconfortable et la sur-consommation". Et ce juste milieu est un vrai "cheminement qui prend du temps et demande de l’engagement”, détermine-t-elle.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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