Pourquoi pensons-nous ce que nous pensons, peut-être trop facilement ? Pourquoi nos pensées s'appuient-elles souvent sur des préjugés ? Lequel d'entre nous ne s'est pas laissé aller dans le feu de la discussion à des affirmations aussi péremptoires que non vérifiées. Les artistocrates sont tous réactionnaires ; les Anglais sont excentriques, les gauchers sont maladroits ; les Gaulois étaient râleurs et bagarreurs... Trop souvent ces raccourcis, ces préjugés, polluent nos échanges. Mais d'où viennent-ils ? Que signifient-ils ?
Depuis quand dit-on que les Juifs ont un problème avec l’argent ? Que les Arabes sont tous des voleurs ? Pourquoi dit-on que les Gaulois étaient râleurs ? Que les prêtres ont le diable au corps ? Pour comprendre comment et pourquoi tous ces préjugés ont été entretenus, Jeanne Guérout et Xavier Mauduit ont dû les énumérer. Dans leur "Histoire des préjugés" (éd. Les Arènes, 2023) ils montrent comment ils ont été entretenus depuis des années, voire des siècles.
Les "toxines de notre environnement mental" : c’est ainsi que Xavier Mauduit définit les préjugés. En véhiculant des stéréotypes, ils influent la façon de penser le monde et structurent l'imaginaire collectif. "Ils peuvent faire du mal, voire tuer, alerte l’historien, ce sont les fruits pourris d’une longue histoire."
Il y a des préjugés qui peuvent sembler sans conséquences mais beaucoup véhiculent des propos racistes, antisémites, sexistes et poussent à la violence... Par exemple, dire que les femmes sont hystériques. Il faut remonter à la Grèce Antique pour comprendre cette affirmation. Dans sa "Théorie des humeurs", Hippocrate affirme que "toute la femme est dans l’utérus". En plus d'être un moyen commode de refuser aux femmes leur place dans l’espace public, cela confère à l’homme plus de raison. L’énoncé d’Hippocrate a ensuite été repris par la science médicale pendant plus de deux millénaires : Diderot affirmait que la femme était soumise à sa sensibilité, et Charcot a perpétué cette idée au XIXe siècle. Cela a fait de la femme un "homme raté en mal de pénis", explique Jeanne Guérout.
Pourquoi est-ce le porc que l'on a choisi pour le #BalanceTonPorc ? Perçu comme un animal sale et lubrique, le porc est très déprécié dans les sociétés européennes. C’est, à l'origine, sa couleur grise et mouchetée qui lui a valu cette réputation d’animal sale. Sa mauvaise vue le contraint à marcher dans la boue et dans ses propres excréments. Ses sens les plus développés étant l’odorat et le goût, il se goinfre constamment. Mais c’est au XVIIe siècle que l'on lui associe l'étiquette d'une bête lubrique. Très vite, dans le vocabulaire, les "cochonneries" désignent les propos salaces d’un homme à l’égard d’une femme. "Un agresseur est un porc, et ce encore aujourd’hui." Pourtant, le cochon n’est pas agressif sexuellement...
"Le microbe est dans le tous", déplorent les intervenants. Les préjugés englobent un groupe de personne, ils généralisent. D'où le caractère essentiel de la nuance. Comme le soulignent Jeanne Guérout et Xavier Mauduit, les préjugés sont confortables, ils permettent d'éviter de penser... "Questionner les préjugés, c’est remettre en cause toute une construction", ajoute Xavier Mauduit. C'est, éventuellement, déconstruire le mythe national du Français à la baguette et au béret rouge... Remonter l'histoire des préjugés, pointer du doigt ceux que l'on véhicule parfois inconsciemment, c'est utiliser l'histoire comme une arme de pacification.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
En partenariat avec SPQR Conseil
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !