Les mots fascisme et nazisme réapparaissent de plus en plus dans le vocabulaire, mais de quoi parle-t-on exactement ? Est-ce que l’utilisation de ce terme va trop loin ou au contraire une vigilance démocratique s’impose ? Pour les invités, les discours de certains hommes politiques sont extrêmement préoccupants. Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Plus d’un siècle après la dictature instaurée par Benito Mussolini, le « fascisme » peut-il qualifier autre chose que l’Italie de l’entre-deux-guerres ? Est-il pertinent qu’il caractérise tout régime qui menace la démocratie ? Lors de l'élection présidentielle de 2024 aux États-Unis, c’est l’opposante démocrate Kamala Harris qui accusait Donald Trump de fascisme. Mais que ce soit en France, aux États-Unis, en Allemagne ou en Italie, l’utilisation de ce terme est-il juste ? Et dans ce cas, y a-t-il des signes qui laissent deviner que le fascisme fait véritablement son chemin en France ? Autant de questions que Madeleine Vatel et Melchior Gormand ont pu poser à leurs invités dans l'émission "je pense donc j'agis".
"Fascisme" et "nazisme" : ces termes datant des années 1930 pour le premier, et de la Seconde Guerre mondiale pour le second, ressurgissent de plus en plus dans le vocabulaire courant, dans les médias, en politique ou lors de manifestations. Ces propos posent la question de leur sens : "le mouvement fasciste est né en 1919 avant d’arriver au pouvoir en 1922, c’est un régime politique précis fondé sur un autoritarisme, une idéologie basée sur la violence", explique Sara Minnelli auteure d’une thèse intitulée Politiques du mythe, au 20ᵉ siècle, entre fascisme et critique. "Il ne faut pas oublier que ce terme est né dans des conditions différentes de celles d’aujourd'hui", souligne l'auteure.
Né dans un contexte de guerre dans le monde, ce terme est aujourd'hui utilisé par certains partis politiques. Sara Minelli parle de “stratégie de l'extrême droite qui tend en utilisant ces termes à vider les mots de leur sens”. Une stratégie qui “n’est pas nouvelle”, selon Olivier Mannoni, auteur, spécialiste des textes du IIIᵉ Reich et traducteur de la nouvelle version critique de "Mein Kampf", un travail d'une dizaine d'années. Cette stratégie, selon lui, “montre la volonté de l'extrême droite mondiale de renier cet héritage, tout en l’assumant comme avec le geste d’Elon Musk”, explique le traducteur. Certains abordent le mot “remigration”, qui est défini par Olivier Mannoni comme le fait de "prendre une partie de la population et de la renvoyer dans un pays où elle n’a jamais mis les pieds : c’est un synonyme de déportation". C’est un "maquillage des mots, une technique utilisée par les nazis", ajoute-t-il.
Les termes Fascisme et Nazisme sont nés dans des conditions différentes de celles d’aujourd'hui, il ne faut pas l'oublier.
Des propos appartenant au passé qui refont surface et qui sont “parfois utilisés à tort et à travers”, observe Olivier Mannoni, ou “utilisés aussi comme une insulte”, complète Sara Minelli. Une auditrice confirme s’être sentie déjà insultée : “Je suis de Nîmes et il y a le trafic de drogue, des bandits, des violeurs, etc. Et quand je dis que je suis contre ça, on me traite de fachos”, déplore-t-elle. Un terme utilisé “de mauvaise manière”, selon Sara Minelli et qui devrait plutôt être utilisé pour “étudier si un mouvement actuel ressemble à celui du passé”, complète Olivier Mannoni.
Pour les invités, il est important “d'analyser le vocabulaire des politiques pour comprendre”. Dans cette analyse que mène le traducteur, "il y a des similitudes entre le vocabulaire de Donald Trump et celui du pamphlet ‘Mein Kampf’. Le dirigeant des États-Unis parle ‘d’exterminer la vermine’, cette expression est le calque exact utilisé par les nazis et Hitler. C’est factuel", déplore-t-il. Cependant, le traducteur et auteur "ne crie pas au nazisme pour le moment, ça n'aurait pas de sens, parce que pour mettre en place des déportations de plusieurs millions de personnes que ce soit à Gaza ou aux États-Unis vers d’autres pays, ce serait bien plus compliqué que ce que l’on pense", explique-t-il.
Néanmoins, il reste important de connaître l'histoire, “mettre en avant le travail des musées, des écoles, des formations, etc. Cela permet de connaître et de prendre conscience du passé et de ce qui a pu mener à de tels régimes”, souligne Sara Minnelli. Pour elle, il y a “un devoir de relayer cette éducation”.
Mettre en avant le travail des musées, des écoles et des formations pour connaître et prendre conscience du passé et de ce qui a pu mener à de tels régimes.
L'utilisation de ces termes peut aller jusqu’à “une vision masculiniste”, exprime Olivier Mannoni, “ce que je constate dans la course de Donald Trump, mais aussi dans d’autres mouvements d’extrême droite au pouvoir, c’est la constitution d’une communauté d’Américains fidèles de Trump et ‘racialement corrects’. Parmi les militaires de haut rang qu’il a récemment virés, il y a une personne de couleur noire et une femme. Il n’a pas touché aux autres, c’est une vision et un mouvement masculiniste”, selon l’avis du traducteur.
Ce langage utilisé par les politiques des extrêmes est parfois suivi par des gestes et des actes. Est-il possible de parler d’un nouveau langage pour des Hommes nouveaux ? “Ce n’est pas un nouveau langage, mais une réédition du langage ancien”, remarque Olivier Mannoni. Après cette évolution de langage, “il y a eu des gestes comme celui d’Elon Musk”, décrit le traducteur. Des termes qui précèdent les actes “d’abord, la barrière des mots saute, puis celle des actes et ensuite, c'est la barrière humaine”, se désole Olivier Mannoni. Pour lui, il y a “une volonté de faire revenir ce passé, même si ce n’est pas de la même façon, mais avec des solutions brutales, inhumaines et immorales”, explique Olivier Mannoni.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !