Voici donc que, depuis une semaine, tous nos enfants et adolescents ont repris le chemin de l’école, du collège, du lycée. Enfin, une vraie rentrée des classes avec tous les élèves présents. Une rentrée vraiment attendue, tant de mauvais souvenirs de ces périodes, où l’école fonctionnait de manière intermittente, sont encore dans les têtes.
La crise sanitaire n’a fait qu’accroitre la fracture scolaire, entre ceux qui disposaient du matériel informatique à la maison et dont le travail était suivi par leurs parents, et ceux qui ont décroché complètement. L’urgence aujourd’hui consiste à réduire cette fracture, notre pays comptant parmi les 10 pays de l’OCDE où l’origine sociale de l’élève pèse le plus sur ses performances scolaires. Un chiffre parmi tant d’autres : 73% des grandes écoles sont fréquentées par les jeunes issus des classes sociales les plus aisées !
La réponse est aujourd’hui connue de tous : l’absence de mixité sociale. La carte scolaire, -autrement dit le fait de scolariser tous les enfants d’un quartier dans l’établissement scolaire s’y trouvant-, pouvait être considérée comme une bonne mesure lorsque la mixité sociale régnait sur le territoire, mais est devenue une terrible mesure lorsque celle-ci n’a plus lieu. Voici que le séparatisme a gagné l’école, certains établissements étant fréquentés par les jeunes des classes sociales très aisées, d’autres par ceux des classes les plus défavorisées.
Or rappelons que la grande différence entre un collège de centre-ville et celui d’un quartier sensible, réside dans le fait que dans l’un, il est encore valorisant d’être premier de classe, alors que dans l’autre ce peut être vécu comme dangereux. Le jeune est considéré comme un suppôt de l’adulte ! Combien ai-je pu rencontrer, dans ces quartiers, des jeunes prodigieusement intelligents, mais qui sacrifient leur scolarité pour sauver leurs alliances ! La cause principale de l’échec relatif du programme ZEP réside à mes yeux dans le fait que les initiateurs ont oublié cette donnée fondamentale de l’adolescence : lorsqu’on a 14 ou 15 ans, exister sous le regard des copains passe avant exister sous celui de l’adulte. Aussi, lorsque la réussite scolaire n’est plus considérée comme une valeur par le groupe de pairs, assiste-t-on à un échec massif de jeunes, pourtant aussi intelligents que les autres.
Je pense que le mot clef est celui de la fraternité. On a voulu penser l’égalité à l’école, sans promouvoir la fraternité. Alors on se gargarise sur le thème de l’égalité des programmes, des rythmes scolaires, en oubliant que si l’on veut construire la République -et n’est-ce pas un des rôles majeurs de l’école ? -, il faut éduquer les enfants et à la fraternité, en leur permettant de pouvoir se rencontrer entre jeunes de milieux différents, sans promouvoir la rivalité et la concurrence.
Toutes les initiatives permettant cette mixité devraient à mes yeux être soutenues, et il serait judicieux que des fonds soient fléchés sur leur réalisation. Il s’agirait à la fois de permettre aux enfants des quartiers défavorisés de fréquenter des écoles situées en dehors, et aussi d’implanter dans ces quartiers des filières attractives permettant l’inscription de jeunes venus d’ailleurs. Je me réjouis pour ma part de voir dans notre réseau salésien fleurir quelques initiatives en ce sens.
Cette chronique sur l'éducation vous est proposée en alternance par :
- Xavier de Verchère, salésien de Don Bosco, prêtre, aumônier général des Scouts et Guides de France
- Catherine Fino, salésienne de Don Bosco, théologienne moraliste, professeur à l'Institut Catholique de Paris (où elle est directrice du Département théologie morale et spirituelle)
- Michèle Decoster, salésienne de Don Bosco, formation dans le réseau scolaire Don Bosco (40 000 élèves)
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