Souvent jeunes, immatures, utopistes et fanatiques qui sont ces jeunes gens qui tuent au nom de leur foi ? Alors que se termine le procès des attentats de Saint-Etienne-du-Rouvray et que se poursuit celui des attentats du bataclan Madeleine Vatel et Melchior Gormand accompagnés d'experts, dressent le portrait d'une jeunesse radicalisée.
Alors que le procès du père Hamel vient de s'achever, que celui des auteurs de l'attentat du Bataclan est en cours, sans oublier celui de Kevin Guiavarch, Madeleine Vatel et Melchior Gormand s'interrogent sur les raisons qui motivent les djihadistes à passer à l'acte. Utopistes, extrémistes, adeptes ? Qui se cache derrière ces jeunes habités par la violence djihadiste ?
Pour tenter de répondre à ces réponses complexes, trois experts de la question djihadiste sont présents. Guillaume Monod est docteur en philosophie, médecin psychiatre exerçant en maison d'arrêt. Il est l'auteur de "En prison, paroles de djihadites" (ed. Gallimard). Guillaume Goubert est l'ancien directeur de La Croix, il a suivi chaque jour le procès de l'assassinat du Père Jacques Hamel qui vient de s'achever. Enfin Xavier Crettiez est chercheur et professeur de science politique. Il publie prochainement un rapport à destination de l'Administration pénitentiaire intitulé "sociographie du djihadisme français".
Guillaume Goubert a suivi au quotidien le procès de l'attentat de Saint Etienne du Rouvray. Trois accusés étaient présents, Jean-Louis Steven, 25 ans, Farid Khelil, 36 ans et Yassine Sebaihia, 27 ans. Ils n'ont pas participé directement à l'attentat mais sont poursuivis pour "association de malfaiteurs terroristes criminelle". Ils ont écopé de peines allant de 8 à 13 ans de prison. Les deux assaillants, eux, sont morts pendant l'attaque. Différents points ont marqué Guillaume Goubert tout au long du procès. "Ce qui frappe chez les accusés et les auteurs de l'attentat c'est leur jeunesse. Les deux assassins avaient 19 ans.[...] Et le fait qu'ils se sont souvent radicalisés en l'espace de très peu de temps et qu'au moment de leur radicalisation parfois, ils ont basculé très vite de l'univers des jeux vidéos à l'univers du djihad" raconte-t-il.
Guillaume Monod, avec son métier de psychiatre en maison d'arrêt rencontre fréquemment des djihadistes. Il est complexe pour lui de définir ce qu'est la radicalisation et le djihadisme, des mots assez généraux qui peuvent adopter différentes formes. " Le problème c'est que c'est tellement vaste au niveau des accusations. Les gens qu'on accuse ont également des profils psychologiques, des intentions, des motivations qui sont toutes aussi vastes et variées et qui sont parfois très éloignées de l'attentat lui-même" constate-t-il.
Pour autant, il y a deux catégories djihadistes qui se distinguent selon Guillaume Monod. "Il y a ceux qu'on appelle les militants au sens large, qui commettent des actes, des attentats, partir en syrie etc et puis il y a ceux qu'on appelle les logisticiens, des personnes qui ne font rien concrètement si ce n'est en aidant" explique-t-il. Les djihadistes ne sont pas appréhendés de la même manière, juridiquement notamment, que d'autres mouvances terroristes comme les basques ou les corses en France. "Les personnes ne sont pas impliquées de la même façon, ne sont pas qualifiées juridiquement de la même façon donc il y a une notion qui est liée à l'islam qui fausse la donne" ajoute-t-il. Le motif religieux a plus d'impact aujourd'hui que le motif politique, du moins dans l'opinion publique.
Les motivations pour partir faire le djihad sont différentes selon les individus. Celle qui revient le plus souvent est la "hijra", hégire en français, qui désigne initialement l'exil des compagnons de Mahomet de La Mecque vers Médine. Aujourd'hui cette raison est souvent invoquée par les djihadistes qui souhaitent retrouver, au sein de l'état islamique par exemple, leur liberté religieuse et pratiquer de manière plus assidue. Derrière ce motif se cachent souvent des raisons multiples: religieuses, des problèmes de dépressions ou encore le désir d'héroïsme. "Ce qui me frappe c'est que dans l'immense majorité c'est des gens extrêmement immatures sur le plan affectif, ce sont des gens de 19 ans, ce sont des gamins qui rêvent d'aventures, d'héroïsme" explique Guillaume Monod.
La question des départs en Syrie mais surtout des retours des djihadistes sur le sol français a longtemps soulevé l'opinion publique. Déchéance de nationalité, prison, réintégration ? Les questions étaient nombreuses et le sont encore aujourd'hui. Pourtant le sujet ne semble plus aussi brûlant. De fait, les départs pour le djihad se sont atténués. Guillaume Monod observe trois causes de cette baisse. Premièrement le démantèlement de l'état islamique, deuxièmement le travail important de la police sur ce sujet devenu prioritaire depuis la vague d'attentats qui a touché la France et puis enfin la question des "revenants". "Ce qu'on ne mesure pas c'est que beaucoup de personnes ont été incarcérées parce que ce sont des revenants de Syrie mais ils avaient choisi de revenir parce que ce sont des repentis. Et ces repentis, qui sont partis là-bas, qui ont vu ce que c'était et qui n'ont pas du tout trouvé ce qu'ils voulaient trouver, cette espèce d'utopie islamique, ils ne l'ont pas trouvé là-bas, ils ont trouvé un état totalitaire et criminel" fait remarquer le médecin psychiatre en maison d'arrêt. Or, lors de leur incarcération ces "repentis" témoignent de la réalité qu'ils ont vécu. Des témoignages qui peuvent empêcher certains qui se poseraient la question de partir.
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