Au moment où l’immigration apparait comme un des thèmes centraux de la pré-campagne présidentielle, une note du Conseil d'analyse économique plaide pour un accroissement de l'immigration qualifiée. Il faut tout d’abord dire que cette note ne répond pas à une commande du gouvernement, mais résulte des travaux de ses deux auteurs, les économistes Emmanuelle Auriol et Hillel Rapoport.
Dans leur introduction, ces derniers regrettent d’ailleurs que le débat public sur l'immigration soit "dominé par les questions identitaires et sécuritaires". Et que, quand l'angle économique est abordé, seuls des aspects de court terme en matière d'emploi et de finances publiques sont évoqués. "Les véritables enjeux de l'immigration économique, ceux de la croissance à long terme, ne sont, eux, jamais discutés", ajoutent-ils.
Pour illustrer leur propos, ils puisent dans l’actualité, en soulignant que l’échec de la France en matière de vaccin contre le Covid a en partie un lien avec la fermeture du pays à l’immigration, notamment qualifiée. Ils rappellent que les inventeurs du vaccin BioNtech sont un couple de turcs en Alllemagne et que le patron du groupe américain Pfizer, qui l’a commercialisé, est un Grec séfarade de Salonique. Quant à l’autre grand producteur du vaccin ARN Messager, l’américain Moderna, il a été fondé par un arménien de Beyrouth et est dirigé par un Français, Stéphane Bancel.
Toutes les études le montrent : ils se caractérisent par leur capacité à prendre des risques, à saisir des opportunités économiques et à investir dans des méthodes de production nouvelles. Citant des observations faites sur les Etats-Unis, pays en pointe dans l'attraction des talents étrangers, les deux chercheurs montrent que les immigrés, qui y représentent 13% de la population, sont à l'origine de 24% des brevets déposés entre 1940 et 2000, et ils représentent 26% des entrepreneurs. En France, seulement 8% des brevets sont déposés par des immigrés, qui représentent environ 10% de la population.
Le fait que l’immigration est le fait de personnes peu qualifiées et peu diversifiées : 38% des immigrés en âge de travailler ont un niveau scolaire égal ou inférieur au brevet et sept sur dix viennent du continent africain. Ces immigrés sont extrêmement utiles : près d’une personne sur trois travaillant dans le soin à la personne sont immigrées et un sur six dans le bâtiment et l’hôtellerie restauration. Des secteurs où les pénuries de main d’œuvre sont importantes. Mais cette absence de qualification et de diversification a des effets pervers, en conduisant à une image négative dans l’opinion publique. Ce qui pousse à des politiques très restrictives en matière d'immigration économique.
De "repenser la politique migratoire" nationale, en développant des canaux d'immigration "variés" en termes d'origine géographique. Pour cela, ils prônent notamment la création d'un système de visas à points, sur le modèle de ceux existants au Canada ou en Australie. Ils souhaitent aussi renforcer le dispositif «passeport talents», créé en 2016 pour favoriser l'accueil des jeunes qualifiés. En 2019, seuls 13.500 passeports ont été délivrés via ce dispositif.
Ils recommandent enfin d’améliorer la qualité de l'enseignement pour attirer davantage d'étudiants et à faciliter l'octroi de titres de séjour aux étudiants à l'issue de leur cursus, en assouplissant les critères d'éligibilité. Car seulement un étudiant étranger sur cinq est toujours présent en France cinq ans après son arrivée sur le territoire, en raison notamment de la complexité des procédures d’obtention de visa.
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