POINT DE VUE DE CLOTILDE BROSSOLLET - La santé des prêtres décline. Une étude l'affirmait déjà en 2020. Et le sujet revient au centre des débats grâce à une tribune publiée le 15 avril dernier dans La Croix. Clotilde Brossolet, passionnée de la doctrine sociale de l'église, rappelle les résultats de cette commande de la Conférence des évêques de France.
Dans une tribune publiée le 15 avril dernier dans le quotidien La Croix, le coordinateur de la Fraternité missionnaire des cités, lance un appel aux évêques de France : "Chers évêques, il est temps de prendre soin de nos prêtres !" La légitimité de Jean-Etienne Rime pour oser interpeller les évêques sur le sujet n’est pas à démontrer : son engagement au plus près des prêtres des banlieues populaires lui en offre une connaissance intime.
L’homme s’insurge que l’étude publiée en novembre 2020 sur l’état de santé des prêtres semble être restée lettre morte. Pourtant elle avait été commandée par la Conférence des évêques de France et annonçait des résultats calamiteux. Cette étude, qui concernait les 6 400 prêtres diocésains de moins de 75 ans, avait de quoi alarmer les évêques.
Elle constatait une prévalence accrue des problèmes de santé chroniques ou durables dès 35 ans. En effet, 45 % des prêtres admettaient avoir été affectés, au cours des 12 derniers mois, par au moins un ou deux problèmes de santé, principalement par de l’hypertension et des douleurs de dos récurrentes. Des résultats inquiétants quand on sait que ces deux pathologies sont dues essentiellement au stress et au surmenage.
Que 2 % seulement des prêtres soient en burn-out pouvait rassurer l’épiscopat à peu de frais. Rien ne disait le nombre de ceux qui, sans encore avoir plongé dedans, en étaient tout proches. Il suffit de se rappeler que 40 % des prêtres ont en charge plus de 5 clochers et que 7,5 % en ont plus de 40 pour confirmer l’état généralisé de surmenage de nos prêtres diocésains.
Plus alarmant encore, l’étude montrait que 43 % des prêtres étaient en surpoids, et 20 % en situation d’obésité. Un prêtre sur deux avait donc un problème de poids, soit 20 fois plus que la population française. Lors de la publication de cette étude, le Père Jean-François Noël, curé dans le diocèse d’Aix-en-Provence et psychanalyste expliquait cette relation complexe au corps : "Il vaut mieux endormir son désir charnel que de le réveiller… Certains religieux et prêtres choisissent d’anesthésier leur rapport au corps par crainte de se confronter à leur désir affectif. Il y a aussi des problèmes d’addiction liés au célibat, car cet état de vie exacerbe la demande de validation de sa vie. Quand je n’ai ni épouse, ni enfant, qui va valider qu’il est bon que j’existe ?" Ce n’est donc pas qu’une question d’abstinence mais bien une question de solitude.
Aucune réponse concrète n’a été apportée par la suite, comme si cette étude pouvait se suffire à elle-même. L’évêque de Mende, qui avait présidé le comité de pilotage de l’étude avait alors eu cette remarque : "Cette étude était aussi une manière de manifester notre attention aux prêtres. Beaucoup ont été touchés par cette démarche." Là où les résultats appelaient à une action urgente, l’homme se réjouissait de l’existence même de cette étude et en faisait la preuve du souci de l’épiscopat à l’égard de ses prêtres. Nous pouvions nous réjouir : les prêtres avaient osé dire qu’ils n’étaient pas en forme. Mais le dire ne suffisait pas à changer la situation !
Jean-Etienne Rime préconise trois actions à mener d’urgence dont deux qui dépendent de la hiérarchie ecclésiastique : donner une vision claire de chacune des missions confiées aux prêtres et mettre en place un véritable accompagnement médical. L’homme qui vient du monde de l’entreprise invite les évêques à user des techniques de ressources humaines au sein de l’Église.
Quant à moi, je ne peux qu’inviter les auditeurs à lire et diffuser cette tribune, à la transmettre à leurs évêques, mais nous devons nous aussi prendre notre part de responsabilité. Je m’associe à Jean-Etienne Rime quand il dit que nous ne devons pas prendre les prêtres pour des surhommes. Je vais même plus loin : nous devons être des amis du quotidien, d’être de ceux à qui nos prêtres peuvent dire les peines et les fragilités sans que cela n’abîme l’image du prêtre. Nous devons être l’entourage intime qui prend soin d’eux. La vie sacerdotale ne peut pas être que don. Elle est aussi un appel à recevoir.
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