Elle est tellement fière. Dans la grande église froide, elle a réuni en ce samedi toute la famille et de nombreux amis. Pensez, ce n’est pas rien, on baptise la petite ! Sa fille, son unique, qui vient d’avoir cinq ans.
L’enfant depuis des semaines, ne pense qu’à ce jour. Dimanche dernier, comme pour s’y préparer, comme si au fond de son petit cœur montait cette intuition d’une grandeur à venir, elle est allée, pendant la première lecture, s’assoir sur le siège à côté du mien, à la présidence de la messe. Elle est restée, les jambes battant dans le vide, attentive jusqu’à l’homélie puis s’est laissée distraire par des idées peut être moins ennuyeuses.
Et la voici qui est là, couvée par le regard de sa maman, sourire et tête haute. A l’accueil, elle entend sa mère lui dire un texte, écrit pour l’occasion, où elle lui dit qu’elle l’aime et qu’elle veut lui faire ce cadeau le plus beau en la remettant entre les mains du Seigneur. L’enfant ne dit rien mais comprend. Elle reçoit le signe de la croix, entre dans l’église en menant la procession jusqu’à l’ambon. Elle écoute la Parole et y répond par son désir manifeste de devenir enfant de Dieu. Juste avant que l’eau ne coule sur sa tête, elle dit crânement « je veux être baptisée pour suivre Jésus ». Et l’Esprit fond sur elle.
Le regard d’une mère, quel mystère !
Sa maman ne la quitte pas des yeux, ni de son sourire. Le regard d’une mère, quel mystère ! Quel espace possible pour y déposer peurs et inquiétudes, espoirs et joies. La mère qui espère contre toute espérance que son enfant, otage, revienne vivant, ou que le sien, enseveli sous les ruines des bombardements, en ressorte sain et sauf. La mère qui peut se priver de bien des choses sans en faire toute une histoire pour que ses petits puissent manger et grandir.
Hier matin, une paroissienne me dit : « samedi j’apporterai le petit déjeuner pour les enfants ». Je lui dis « quels enfants ?». « Ceux de la paroisse ».
Devant mon incompréhension elle précise : « qui sont accueillis dans la salle ». Elle parle des dix jeunes migrants hébergés là comme dans d’autres paroisses de Lille, puisque les administrations et les politiques ont décidés tous d’accord, pour une fois, de ne plus s’en occuper. Ils sont de grands ados, solides et qui ont vécus dans leurs exodes bien des tribulations et des drames qui les ont fait grandir sans doute bien plus vite que leurs contemporains occidentaux. En prononçant ces mots « les enfants » elle ne fait que refléter le sentiment qui l’anime : elle veut en prendre soin, leur manifester quelque chose de son cœur, d’un cœur qui bat pour ceux qui ont besoin.
N'est-ce pas pour cela aussi qu’il fallait bien que le salut de Dieu s’incarnât ? Afin que celle qui devait le mettre au monde puisse devenir pour chacun la figure d’une mère. Figure qui se reflète à l’infini et se décline dans les paroles et les actes de toutes celles qui, au-delà de leurs limites, manifestent la possibilité toujours offerte d’un regard qui redonne vie.
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