Comme l’a expliqué Nathalie Loiseau, députée européenne et ancienne ministre des Affaires européennes, le président auto-proclamé bélarusse Alexandre Loukachenko, cherche actuellement à déstabiliser l’Union européenne. Comme l’UE n’a pas reconnu sa pseudo-élection et lui a imposé des sanctions, il fait venir des migrants dans son pays en organisant des vols depuis le Proche-Orient pour les masser à la frontière avec la Pologne, avec la Lituanie et avec la Lettonie.
Pour les empêcher de rebrousser chemin, les militaires bélarusses tirent en l'air pour effrayer ces migrants. Avec le soutien du président russe, Loukachenko cherche ainsi à déstabiliser la Pologne, les pays baltes et plus largement l'Union européenne. Lors du Forum de la paix de Paris, qui s’est tenu la semaine dernière, ce sujet a été abordé par plusieurs participants dont Josep Borell, le haut représentant pour les affaires étrangères de l’UE.
Ce dernier a reconnu que jusqu’à présent l’Union européenne vivait dans le mythe que ce qu’elle appelait "la fin de la guerre froide" conduirait à une mondialisation heureuse au cours de laquelle les pays herbivores et paisibles l’emporteraient sur les puissances carnivores grâce au doux commerce et au soft power de la promotion des droits de l’homme.
Pour que l’UE sorte de cette mythologie, Borell a expliqué que l’Europe devait s’assumer comme une puissance politique et donc militaire. Josep Borell a dit notamment ceci : "L’UE a besoin d’une politique qui construise des capacités et d’une volonté pour les utiliser. C’est la raison pour laquelle l’unité est nécessaire pour décider quand, comment et où utiliser ces capacités." Ce propos témoigne d’une véritable prise de conscience que l’UE doit être capable de répondre aux attaques dont elle est la victime, y compris en utilisant les armes de la guerre hybride. Mais soyons clairs : Cette prise de conscience que la nouvelle politique de puissance de l’Europe doit reposer sur l’art de construire l’unité et le consensus implique de retrouver ce que j’appelle une nouvelle philosophie œcuménique des relations internationales.
La métaphysique œcuménique, au plan des relations internationales permet de tenir ensemble d’un côté, les valeurs sur lesquelles repose l’identité commune des Etats membres de l’Union européenne et de l’autre, leur volonté d’agir ensemble dans le respect des identités de chaque nation. Cela pourra paraître surprenant à nos politiciens européens, mais l’expérience acquise par les Eglises et les religions en matière de dialogue dans le respect des convictions propres de chacun pourrait se révéler extrêmement précieuse.
Pour construire en effet la souveraineté européenne, il ne suffira pas de déconnecter le Bélarus des échanges internationaux. Bien entendu ce travail est indispensable. Il convient de sanctionner Alexandre Loukachenko de vouloir "militariser" les migrants et de les transformer en bombes humaines. Ceci implique de couper les relations aériennes, portuaires ou bancaires avec le Bélarus, par exemple en interdisant les banques du Bélarus d’avoir accès aux facilités du système SWIFT.
Cela signifie également que l’UE doit être prête à accéder à de nouvelles ressources énergétiques puisque le Bélarus va vouloir répliquer en bloquant le transit de gaz en provenance de Russie. Mais cette politique de fermeté ne résoudra pas tout. La vraie souveraineté, au sens œcuménique et universel du terme, consiste à être en mesure de tendre la main et d’aider le Bélarus et la Russie à soigner leurs faiblesses structurelles. Pour cela il faudrait que la diplomatie européenne soit elle-même convaincue qu’on ne peut soigner l’ultra-libéralisme uniquement en devenant soi-même carnivore.
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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