Un événement important s’est déroulé la semaine dernière à Caen. Il se trouve que pour la quatrième fois la Région Normandie organisait avec un grand nombre de partenaires le Forum mondial Normandie pour la paix. Ce Forum est un magnifique laboratoire de réflexion et de médiation autour de la paix qui vise à mobiliser ses participants, et notamment les jeunes générations, à s’engager pour la paix, la justice et la protection de l’environnement.
Il est animé par des experts en géopolitique, aux côtés de représentants de gouvernements, du monde académique et de la société civile. Cette année à l’invitation de Hervé Morin, le président de la région Normandie, ont participé plusieurs dizaines de grandes figures de la politique internationale comme Tedros Adhano Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, Fawzia Koofi, la vice-présidente du parlement d’Afghanistan, ou encore Pascal Lamy, le président du Forum de la paix de Paris.
Le thème général du forum posait la question : "Paix mondiale et sécurité globale : comment gouverner la paix ?" Il m’est impossible de résumer toutes les interventions de ce forum qui a duré deux jours et qui a porté sur tous les points chauds de la planète, de la guerre Russie-Ukraine à la situation de crise que vit actuellement le Liban.
Je voudrais simplement résumer le propos de Sundeep Waslekar, le président du Strategic Foresight Group. Cet intellectuel indien est venu expliquer que le Conseil de sécurité de l’ONU ne fonctionnait pas parce que son utilisation du droit de veto a été mal conçue. Il a rappelé que c’est Joseph Staline qui a imposé en 1945 que les 5 pays vainqueurs de la 2e guerre mondiale puisse disposer d’un droit de veto inconditionnel alors que cela n’avait pas été prévu au départ par les rédacteurs de la Charte des Nations Unies. De plus Waslekar a rappelé que l’assemblée des Nations Unies ne rassemble pas aujourd’hui les nations mais les Etats. Donc pour lui la meilleure façon de rendre efficace le droit international serait de créer une authentique assemblée des peuples.
Cette question a fait l’objet de nombreuses discussions lors du Forum. Je retiens en particulier de mes discussions avec Jean-Marie Guéhénno, l’ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, deux conclusions : la première c’est qu’il faudrait non pas supprimer le droit de veto mais permettre à l’assemblée générale des Nations-Unies de faire appel lorsque ce droit de veto est utilisé de façon inefficace. Car, de fait, la mission du Conseil de sécurité est de préserver la paix.
Donc si l’assemblée constate que la guerre ne fait que s’étendre, alors les nations doivent pouvoir être en mesure de faire appel d’un blocage venant du Conseil de sécurité. Et si une résolution contraire de l’assemblée dépasse plus de 50% des suffrages alors l’assemblée devrait être autorisée à mettre en œuvre sa contre-résolution. Ceci n’a rien d’irréaliste puisque cette idée a déjà été mise en oeuvre dans le passé, en 1950 lors de la guerre de Corée, avec la résolution Acheson appelée « Uniting for peace ».
Il faudrait désormais pérenniser cette pratique. La deuxième proposition consisterait à créer non pas une assemblée des nations car en envoyant des parlementaires de pays ayant des régimes aussi différents que la Chine et les Etats-Unis, ou l’Allemagne et la Turquie, cette nouveauté risquerait surtout de produire des blocages. En revanche on pourrait tout à fait envisager la création d’une assemblée d’ONG internationales dont la mission consisterait exclusivement à produire de la paix, de la justice et de la protection de l’environnement. Ces ONG seraient choisies par une assemblée de sages de chaque pays et seraient renouvelées tous les 5 ans sur la base de leurs résultats. Voilà des idées qui me paraissent tout à fait stimulantes pour rendre le monde plus juste et plus paisible.
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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