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D'où vient notre fascination pour les faits divers ?, par Nathalie Leenhardt

Un article rédigé par Nathalie Leenhardt - RCF, le 5 avril 2024 - Modifié le 5 avril 2024
Le point de vue de 7h20D'où vient notre fascination pour les faits divers ?, par Nathalie Leenhardt

POINT DE VUE DE NATHALIE LEENHARDT - Neuf mois après la disparition du petit Emile, ses os ont été retrouvés. Le traitement médiatique actuel de l’affaire interpelle Nathalie Leenhardt. Elle tente d’expliquer cette fascination des médias et du public pour les faits divers.

Nathalie Leenhardt. © DRNathalie Leenhardt. © DR

La nouvelle de la découverte des os du petit Émile, comme désormais on l’appellera toujours, fut glaçante. Particulièrement sans doute pour nous chrétiens puisque l’information est tombée au matin de Pâques. Comment alors ne pas penser, ne pas prier pour ses parents, confrontés à la plus grande des terreurs, la mort d’un tout-petit.

 

Cette nouvelle, évidemment m’a remuée, comme sans doute la plupart d'entre nous. Elle est rangée dans la case “fait divers”, appellation si moche, qui ne veut rien dire et qui pourtant nous attire. Je dis “nous” car, je l’avoue humblement, je ne peux m’empêcher de lire sur ces sujets, j’ai envie de savoir, j’écoute des podcasts sur des meurtres fratricides. C’est un peu finalement comme lire le récit d’Abel et Caïn. C’est un peu comme se plonger dans ces terribles pages du premier testament, dont notre pasteure nous disait encore dimanche dernier combien elle préfère éviter de prêcher dessus…

Le point de vue de 7h20D'où vient notre fascination pour les faits divers ?, par Nathalie Leenhardt

Oui les faits divers, les affaires criminelles nous intriguent. Qui ne s’est pas interrogé : Xavier Dupont de Ligonnès s’est-il inventé une autre vie ? Comment a-t-il pu tuer toute sa famille ? Qui n’a pas lu le livre d”Emmanuel Carrère, L’adversaire, qui retrace avec tant de brio le destin de Jean-Claude Romand, le faux médecin de l’OMS qui a tué tous les siens pour éviter d’être découvert. Et combien d’autres encore…

Attirés par les histoires sordides

Je crois tout d’abord parce qu’elles sont par définition hors du commun. Et heureusement. Elles nous ramènent à des temps barbares dont nous sommes sortis, vivant dans une société globalement bien plus sûre et bien moins violente qu’il y a quelques siècles. Mais surtout parce qu’elles nous parlent de la face la plus sombre de la nature humaine, celle que nous nous cachons à nous-mêmes, celle qui a été domestiquée en nous grâce à l’éducation, aux injonctions parentales, à la loi, aux Dix commandements, aux Béatitudes... 

Dans un ouvrage intitulé Le goût du crime (Actes Sud), les frères Mathias et Emmanuel Roux, dont l’un est magistrat, étudient les ressorts de l’intérêt pour les affaires criminelles. Soit celles-ci sont de véritables énigmes qui suscitent notre volonté de comprendre. Elles nous plongent dans les méandres d’une enquête, les ressorts de la justice. Soit elles nous font réfléchir sur les liens de parenté, sur la famille, sur le couple quand la cupidité ou la jalousie prennent toute la place jusqu'au pire. Sur la place du mensonge, de la vérité, sur cette incroyable “parole contre parole” si troublante, comme dans le cas de l’incroyable affaire Dany Leprince. Le point commun de ces histoires qui renvoient aux contes de fées terrifiants de l’enfance est qu’elles nous poussent à réfléchir sur le passage à l’acte, ce moment où des personnes somme toute ordinaires commettent l’irréversible. 

Alors que nous-mêmes, nous avons pu penser donner un coup de poêle à notre collègue de travail insupportable mais que, bien sûr, nous ne l’avons jamais fait. Nous avons appris à juguler nos émotions, à utiliser des mots ou à aller prendre l’air pour éviter d’en venir aux mains. Ainsi essayer de comprendre, lire sur ces affaires ne titille pas simplement nos tendances voyeuristes. Si on sait les lire, elles peuvent nous révéler davantage sur nous-mêmes, nous donner un cadre de réflexion existentiel… pour le meilleur et non le pire !

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