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Écologie, les entreprises doivent abandonner les activités dévastatrices

Un article rédigé par Féris Barkat - RCF, le 13 septembre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
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Aujourd’hui la réalité rattrape l’économie et le privilège d’avoir pour seule boussole le chiffre d’affaires est désormais révolu. Si on veut assurer l’habitabilité de la planète, ce n’est plus le marché et la startup nation qui doivent juger la légitimité des entreprises, mais une mesure objective de leur impact mis en perspective avec les bouleversement qui arrivent. Place à la complexité, si on ne veut pas se perdre et retrouver du sens nous dit Féris Barkat.

Féris BarkatFéris Barkat

Les marchés libres, la start-up nation et l’hypercroissance des entreprises sont des conséquences de l’idée d’abondance. Abondance des matériaux, abondance de l’énergie, abondance des ressources naturelles, abondance de l’eau, abondance de la main d’œuvre bon marché. Bref, dans ce paradigme d’abondance, la place de l’entreprise est centrale. D’ailleurs sa réussite est plutôt simple à évaluer, sa lucrativité est le critère de sélection des entreprises : une entreprise en croissance, ou très bien valorisée, est ipso facto une bonne entreprise. Peu importe ce qu’elle fait, ce qu’elle produit ou son impact sur l’environnement, le marché permet d'objectiver la réussite mais aussi l’utilité de l’entreprise.

 

Avoir une bouilloire connectée peut me sembler inutile, mais c’est subjectif, car s’il y a un marché pour la bouilloire connectée, c’est que quelque part il y a des consommateurs qui légitiment l’action de l’entreprise. Bien sûr, on devrait aborder l’imaginaire consumériste et tous ces cerveaux qui bossent en marketing, juste pour créer des besoins artificiels, mais tant qu’il y a un marché à conquérir, alors l’entreprise est légitime. Donc c’est en occultant les conséquences négatives, pour se concentrer sur les rendements des activités des entreprises que, sociétalement, on en est arrivé à justifier n’importe quelle activité, indépendamment de son impact. 

 

Le lien avec l’abondance c’est précisément l’amortissement de ces conséquences négatives. L’idée d’abondance, couplée à une éthique parfois douteuse, a permis d’appeler les conséquences néfastes de l’activité économique : externalité négative. Ces externalités, dans un paradigme d’abondance, sont justifiables car amortissables. Prenons un exemple: les vendeurs de cigarettes font du chiffre d’affaires, économiquement l’activité est une réussite et quant à leur externalité négative, c’est-à-dire : 

 

  • La quantité d'eau utilisée pour cultiver, produire et importer 1 kilogramme de tabac qui représente les besoins en eau potable d'une personne pour une année entière ;
  • La déforestation pour la culture du tabac ,
  • Le mégot, qui est le premier responsable de la pollution des océans, devant le plastique ;
  • Les conditions de travail de celles et ceux qui cultivent la plante : en 2011, par exemple plus d’1,3 million d'enfants de moins de 14 ans travaillaient dans des champs de tabac.

 

Toutes ces conséquences, dans une société d’abondance, ne sont que des externalités négatives, qu’on peut à peu près amortir, par exemple 40% des cancers sont dus au tabac, mais ce n’est pas grave puisque nos systèmes de soins sont performants et pas sous tension. L’utilisation démesurée de l’eau, c’est pas grave, on a beaucoup d’eau, etc. 

 


La fin de l’abondance remet sur la table ces externalités négatives. Dans une société sous tension, avec le réchauffement climatique et le déclin énergétique, une société qui est de plus en plus menacée par les pandémies, avec les zoonoses et le permafrost - qui a bousillé le cycle de l’eau au point d’avoir des pénuries même en France - comment décemment s’imaginer ne pas, ne serait-ce que poser la question de la légitimité de cette activité économique ? Et de plein d’autres activités en fait. On a eu le luxe, le privilège pendant longtemps d’avoir l’illusion collective d’amortir ces conséquences négatives mais si on veut être conséquent et sérieusement assurer au maximum l’habitabilité de la planète, alors dans ce cas, ce n’est plus le marché et la startup nation qui doivent juger la légitimité des entreprises, mais une mesure objective de leur impact mis en perspective avec les bouleversement qui arrivent. Si les conséquences négatives d’une activité économique ne peuvent plus être amorties, voire pire, si cumulées à d’autres, elles contribuent à mettre en danger l’humanité, dans ce cas cette activité n’a plus sa place.

 

Bien sûr, ça pose une question de liberté : attention, la dictature verte mettrait en péril le libéralisme économique ? Non. Loin de moi l’idée de me poser en arbitre des entreprises à garder ou pas, car si tout va bien, si on n’a pas 36 000 problèmes à la fois et on peut amortir tous les effets négatifs du tabac par exemple, dans ce cas j’ai aucun problème. Sauf que c’est pas le cas. La réalité c’est qu’on ne peut plus, on ne peut plus se permettre de fermer les yeux sur des industries qui rajoutent des contraintes aux contraintes, du gaspillage d’eau quand on a plus d’eau, des problèmes de santé évitables quand il y a des pandémies inévitables. Donc désormais, dans ce contexte de bouleversement écologique, la décence exigerait qu’on conditionne la légitimité d’une entreprise à son impact, pas seulement en termes d’émissions, mais aussi pour la santé, les écosystèmes, l’extractivisme, la santé mentale etc.. En somme, ne pas rajouter des problèmes quand on a déjà trop de problèmes, ne pas mettre des bâtons dans une roue qui a dû mal à tourner. Bref aujourd’hui la réalité rattrape l’économie et ce privilège d’avoir pour seule boussole le chiffre d’affaires est désormais révolu. Place à la complexité, si on ne veut pas se perdre et retrouver du sens.

 

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