Sur RCF nous pouvons poser une question non abordée : un chrétien peut-il manifester parce qu’il est chrétien et non simplement parce qu’il répond à des “valeurs” ? D’ailleurs, j’ai horreur de ça, de cette réduction de la foi chrétienne a des valeurs souvent transformées en idées vaporeuses et niaises déconnectées des rapports de forces et des réalités. Alors qu’il ne s’agit pas d’abord de “valeurs” mais de rencontres. Le Christ n’invente pas les Béatitudes : il les Incarne, sa pensée, sa philosophie viennent d’abord de son Incarnation avec les pauvres de son temps.
J’en pense qu’un chrétien a toutes les raisons pour se mobiliser contre lui. Comme beaucoup, cela me questionne qu’il faudrait parler d’hypothétiques problèmes économiques qui auront lieux, peut-être, en 2050, plutôt que d’abord regarder la réalité vécue et les visages des gens. Concrètement, les plus pauvres et les travailleurs précaires meurent vers 63 ans. Nous connaissons tous des gens morts quelque temps après leur départ en retraite, ou juste avant. Quand ils n’étaient pas de toute façon au chômage avant puisqu’il est si dur à un sénior de trouver du travail.
Il est prouvé que cette contreréforme (parce qu'une réforme, c'est faire avancer les acquis sociaux et non les détruire) concentre les rentes et il faudrait rajouter 2 ans de travail à tout le monde quand une centaine de milliardaires se gavent ? Beaucoup de responsables associatifs et politiques ont souligné avec justesse qu’il est impossible de se représenter que si vous aviez gagné 2 millions d’euros à la loterie depuis l’Armistice de 1918 CHAQUE JOUR, vous n’auriez pas un quart de la fortune de Bernard Arnaud à lui tout seul. Vous imaginez ? Ces quelques milliardaires qui se gavent dont nous parlons n’ont pas gagné autant d’argent à la sueur de leur front : nous parlons d’une montagne d’argent qui ne leur sert en plus à rien. Au contraire, comme dit St Paul “que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas non plus”. Eh bien ! Encore plus si l’actionnaire ou celui qui a de l’argent sans jamais avoir sué pour n'est légitime pour se gaver sur le dos des travailleurs et des précaires !
Ce sera déjà bien suffisant pour s’y opposer comme chrétien : le véhicule législatif pour imposer cette loi a de quoi poser question démocratiquement, la nécessité même de cette loi est bien discutable puisqu’un rapport estime que le système, le meilleur d’Europe au passage, est à l’équilibre jusqu'à 2070… et quand bien même ne le serait-il pas, nous n’avons pas quelques milliards pour cela, mais l’État a donné 150M aux entreprises dont les deux tiers n’ont servi à créer aucun emploi, mais à remplir les poches des mêmes actionnaires ? C’est si gros qu’on ne s’en rend plus compte.
En effet, d’autant que cela manque clairement d’une vision d’ensemble. Où est l’option préférentielle pour les pauvres s’ils vont mourir au travail ? la dignité de l’être l’humain s’il est vu d’abord comme un rouage économique plutôt que comme un être dans son entièreté ? Il y a 10 millions de pauvres sans ce pays, nous sortons du COVID, nous avons la guerre à nos portes, les catastrophes écologiques se succèdent, l’incertitude règne, nous sommes les premiers consommateurs d’anxiolytiques, le désespoir chez tant de jeunes est palpable et c’est cela qu’on nous propose ? Quelle cruelle absence de vision politique ! Ainsi, oui, un chrétien a tant de raisons de manifester en tant que chrétien ! Nous sommes aussi appelés à être présents et à apporter au sein d’espaces de luttes : il ne s’agit pas d’une demande de charité, mais d’une exigence de justice.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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