Personnellement, j'ai du mal à m’y retrouver dans cette réforme, mais j’imagine en revanche assez bien l'ouverture des journaux télévisés demain soir : combien de manifestants ? Et nous allons certainement assister à la traditionnelle bataille des chiffres, 1 million de participants selon la CGT, deux fois moins selon les préfectures, bataille qui désormais prête à sourire tant elle tient du comique de répétition.
Plus sérieusement, on pourra se dire qu’une fois encore, la rue a parlé dans un pays où la culture de la négociation et du compromis n’est toujours pas la règle. Notre nation aime les passions et le sujet des retraites en est une, qui interdit le débat apaisé et pose une ribambelle d’interrogations. Car je devine que beaucoup de nos auditrices et auditeurs sont comme moi, plutôt perdus face à une réforme et un système d’une très grande complexité. À lire les dossiers de nos confrères sur le sujet, il faut vraiment s’accrocher pour se faire une opinion nuancée et argumentée…
Le gouvernement avance qu’il cherche, avec cette réforme, à introduire davantage d'équité et on voudrait y croire quand on sait qu’aujourd’hui un artisan ou un agriculteur - j’en connais - touche à peine 700 à 800 euros de retraite par mois, après une vie de dur labeur, commencée tôt. Mais comment s’y retrouver entre les régimes spéciaux, l’âge dit "sans décote" des bénéficiaires, les avantages acquis d’un côté et le régime général et ses subtilités de calcul de l’autre ?
Qui écouter pour comprendre ? Les économistes qui nous expliquent que notre système n’y survivra pas si nous ne travaillons pas plus longtemps et que c’est la seule façon d'enrayer les déficits futurs. Ou ceux qui nous disent que les comptes du régime de retraites sont pour le moment excédentaires et qu’il y a d’autres urgences à régler pour le rééquilibrage des finances publiques. Et comment envisager l’incohérence des mesures des grandes entreprises qui, d’un côté, réclament le report de l’âge de la retraite et de l’autre poussent les seniors vers la porte de sortie ? Nous en connaissons tous de ces cadres encouragés à partir, alors qu’ils ont 58 ou 60 ans. Certes, ils ne figurent pas parmi les plus mal lotis, car ils touchent généralement un beau chèque. Mais ne retrouvent pas de travail. Notre pays est l’un de ceux, au sein de l’Union européenne, qui emploie le moins de seniors, pourtant si riches d’une expertise à transmettre.
La réforme contraindra-t-elle les grandes entreprises à revoir leurs pratiques vis-à-vis des salariés les plus âgés devenus variables d’ajustement quand baisse l’activité ou qu’il faut réorganiser l'entreprise ? Cela pourrait signer alors un retour du politique plutôt bienvenu…
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