Autour de la crèche, dans le vaste chœur de l’église, un soir d’hiver, les voix s’unissent en un chant simple et beau : "La première en chemin, joyeuse, tu t’élances... Marche avec nous Marie..." Ils sont là, assis ou debout, silencieux. Nous venons de visiter l’immense bâtiment, du baptistère à l’autel, commentant les scènes sculptées, peintes qui ornent les murs, contemplant les vitraux. Et nous voici au cœur : là plus d’autre parole que la prière. D’abord le texte magnifique du document sur "la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune" du pape et du grand imam d’Al-Azhar, lors de la rencontre aux Émirats arabes unis en 2019.
Au nom des musulmans d’Orient et d’Occident, au nom des catholiques d’Orient et d’Occident, le texte se conclut sur un appel à ce que le message qu’il cherche à transmettre soit un objet d’études et de recherches dans toutes les écoles, les universités, les instituts d’éducation et de formation... En lisant le texte à haute voix, je regarde les visages de ceux qui sont là, hommes et femmes, disciples de Jésus, ou disciples de Mahomet. Les visages sont paisibles, concentrés, priants.
En poursuivant la rencontre, dans la salle paroissiale, autour d’un bol de soupe, une question jaillit à notre encontre :
"Croyez-vous-en un Dieu unique ?
- Oui
- Mais alors, les saints, ce ne sont pas des divinités ?
- Ce sont des exemples, des sources d’inspiration, mais non, en aucun cas, des idoles ou des petits dieux !”
La discussion se poursuit, de groupe en groupe sur la prière, sur les rites, sur la foi, sur Dieu... Il ne s’agit pas de jouer à la comparaison, mais simplement de découvrir qui est l’autre, quelle est sa foi, comment il s’appuie sur elle pour avancer dans sa vie…
Une rencontre qui n’a pas pour vocation de convaincre l’autre de ses erreurs, mais bien plutôt de désirer mieux comprendre qui il est et de se laisser bouleverser par cette découverte. "Qui es-tu ?", "que cherches-tu ?", "que veux-tu vivre ?" : il n’y a pas d’autre question qui importe si nous voulons bâtir un monde selon le cœur de Dieu. La rencontre entre l’expression des espoirs d’autrui et de mes propres désirs provoque une résonance. Et c’est cette résonance-là qu’on appelle l’Espérance.
Je n’avais jamais mesuré jusqu’à ce soir-là combien le visage de Marie rassure et rassemble. Il apaise les inquiétudes du musulman qui comprend qu’on ne lui tient pas un discours prosélyte. Il apaise l’angoisse du chrétien de ne pas être compris. On peut parler de Marie, du chemin où elle marche avec nous, avec élan, joie et confiance. La jeune juive de l’évangile nous conduit dans la joie de nous reconnaître croyants au cœur d’une société qui se déclare sans religion.
Ce qui s’est passé tout au long de cette rencontre, qui fait écho à une rencontre d’il y a quelques mois dans la mosquée de Villeneuve d’Ascq, est d’abord une histoire humaine, d’échanges et de la joie que tout cela provoque. Mais, précisément, parce que c’est une histoire d’hommes, elle a fort à voir avec Dieu : n’est-ce pas lui qui nous présente les uns aux autres comme ses enfants et qui nous invite ainsi à œuvrer en ce monde pour la justice et la paix ?
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !