Je souhaite revenir sur ce triste fait divers : l'humoriste Pierre Palmade, sous l'emprise d'alcool et de drogue, a embouti la voiture d'une famille qui venait en sens inverse. Les trois occupants de ce véhicule, un homme, son fils de six ans et sa belle-sœur enceinte, qui a perdu son bébé à naître, ont été grièvement blessés.
Au sortir des funérailles de leurs amis, mort d’une overdose, ils étaient un petit groupe de jeunes entre 20 et 30 ans à partager douleur, révolte et incompréhension. Certains disait : "C’était devenu inéluctable, depuis le temps qu’il en prenait de cette saloperie." D’autres : "C’est vrai que depuis quelques mois il faisait n’importe quoi." Un parent du défunt, plus âgé, s’approcha d’eux et les prit à partie : "Si vous étiez témoin de sa dérive depuis si longtemps, qu’avez-vous fait pour l’aider à s’en sortir ou pour tirer les sonnettes d’alarme ?"
Cette scène vieille de plusieurs années me revenait en mémoire en entendant à la radio quelques bonnes âmes, venues parler de l’accident tragique d’il y a quelques jours lorsque la voiture de Pierre Palmade emboutit violemment celle d’une famille. L’accident est affreux. La tragédie frappe de plein fouet. Elle est publique par l’identité de celui qui l’a causé.
Chacun se croit obligé d’y aller de son commentaire, et d’ailleurs je prends le risque de ne pas manquer à l’appel. Face à l’étalage assez obscène des supposés attraits de pratiques sexuelles sous l’emprise de drogues que d’aucuns, depuis lors, nous décrivent de manière assez paradoxale comme à la fois dangereuses mais légitimes, d’autres semblent tentés à partir de la mort d’un bébé dans le sein de sa mère, de vouloir relancer le débat sur le statut de l’embryon ou du fœtus.
Il ne faut pas prétexter de la mort d’un innocent pour lancer un débat politique. La mort d’un enfant, encore plus d’un tout petit, encore plus lorsqu’elle survient ainsi, ne peut s’accompagner que de silence
Il faut le dire à ceux-là qui, probablement, écoutent d’avantage cette radio, que les partisans du "chemsexe" : il ne faut pas prétexter de la mort d’un innocent pour lancer un débat politique. La mort d’un enfant, encore plus d’un tout petit, encore plus lorsqu’elle survient ainsi, ne peut s’accompagner que de silence. Toute autre parole, toute tentative de récupération même à des fins éminentes, y perdrait toute légitimité.
Il pourrait être tentant de voir dans cet accident terrible une image de ce monde qui sombre sous nos yeux : quand la notoriété fabriquée et entretenue à grands coups de projecteurs et de fanfares, percute de plein fouet l’ordinaire des gens qui ne demandent rien d’autre que de rouler en paix. Tout explose : la vie privée des uns étalée au grand jour dans ses aspects les plus intimes et les plus sordides, la détresse des autres dont se repaissent ceux qui veulent en tirer leur minute de gloire médiatique.
Et que reste-t-il au bout du compte de tout cela ? La profonde tristesse d’un drame annoncé mais que nul n’a songé à enrayer, que beaucoup n’ont cessé d’alimenter et que d’autres attendaient, vaguement coupables au fond d’eux-mêmes, mais curieux quand même. Et ce mal-être qui plane sur l’un. Et ces remords en regardant ces autres... Tout en continuant à refuser de regarder en face qu’un pays où tant de fauteurs d’accidents
de toute sortes sont à ce point possédés par tant d’addictions, est un pays qui ne tourne plus rond. Tout en continuant à refuser de réfléchir à la cause de tout cela, et de penser que durcir les lois sera le seul remède suffisant pour enrayer la catastrophe annoncée...
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