Face aux risques de pénuries alimentaires, la France est-elle correctement préparée ? Pour Stéphane Linou, Pablo Servigne et Florence Denier-Pasquier, trois experts interrogés dans le dernier numéro de la revue Sans Transition ! dédiée à la résilience alimentaire, il nous reste du pain sur la planche !
Plus d'un consommateur sur deux craint en effet de faire face à des difficultés pour se procurer certains produits alimentaires, révèle une étude récente menée dans 15 pays par l'observatoire Cetelem, notant une inquiétude particulièrement élevée dans le sud de l'Europe. En France, 59% des personnes interrogées craignent d'éventuelles pénuries alimentaires lors des prochains mois, après avoir fait l'expérience en 2022 de pénuries de certains produits spécifiques, comme la moutarde.
Pour Stéphane Linou, expert en résilience alimentaire interrogé dans nos colonnes, ces événements démontrent que nous sommes dans une illusion de sécurité alimentaire. Depuis longtemps, nous avons considéré le fait de manger comme un acquis, alors que notre système alimentaire globalisé repose sur une double dépendance : l’exportation de la surproduction et l’importation de ce qui n’est plus produit sur place.
Actuellement, 70% des produits de consommation sont achetés dans les grandes surfaces qui n’ont que deux jours de stock. Il n’y a pas de stock alimentaire stratégique d’État qui permettrait de temporiser une rupture brutale. Le détricotage des infrastructures nourricières a été si efficace que nous pouvons désormais avoir une production alimentaire supérieure aux besoins sur le territoire, mais être incapable d’en nourrir les habitants.
Par ailleurs, la question de la pénurie de main d’œuvre dans le secteur agricole est autre risque qu’il va nous falloir apprendre à gérer. 40.000 emplois devraient disparaître d’ici 2030 dans ce secteur, alors que près d’un agriculteur sur deux va partir en retraite d’ici 2030 ! Autant dire que l’enjeu de l’emploi va devenir crucial pour assurer la sécurité alimentaire.
Au niveau de la production, il va nous falloir tout réinventer, souligne Pablo Servigne. Continuer à produire de la nourriture tout en produisant notre énergie, régénérant les écosystèmes, le tout dans un climat instable. C’est un immense défi. Mais des solutions existant, comme la permaculture, une agriculture écologiquement intensive, sans pétrole, mais dont les besoins en main d’œuvre sont importants. Si une véritable transition agricole se mettait en œuvre en France d’ici 10 ans, visant la souveraineté alimentaire, 20 millions de personnes pourraient se retrouver impliqués dans les travaux agricoles !
Il nous faudra aussi réduire le gaspillage alimentaire puisque nous perdons chaque année 10 millions de tonnes de produits, soit un repas par personne et par semaine. À l’échelle locale, les plans alimentaires territoriaux offrent une belle occasion de reprendre en main notre système alimentaire, en favorisant les circuits courts. Comme le souligne encore Stéphane Linou, d’une idée de risque, nous pouvons passer à une planification alimentaire, marchepied nécessaire à la résilience alimentaire ou comment amortir et anticiper les chocs de demain.
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