Après le Mali, c’est au Burkina Faso que le torchon brûle avec la France. Au terme de plusieurs jours de confusion et de déclarations officieuses, le porte-parole du gouvernement a confirmé hier que les autorités de Ouagadougou avaient demandé le départ dans le délai d’un mois des 400 militaires français de la Force Sabre présent dans le pays en vertu d’un accord de 2018. Des membres des forces spéciales dont la mission consiste à éliminer des "cibles à haute valeur ajoutée". Comprendre des chefs de ces groupes jihadistes qui au Burkina Faso contrôlent actuellement 40 % du territoire national environ.
Car en dépit des coups d’État militaire qui se succèdent depuis un an dans le pays, le premier en février dernier, le second fin septembre, ces groupes ne reculent pas. Chaque putschiste a beau promettre qu’il remédiera aux carences des forces armées, les affrontements et les exactions se poursuivent. Aujourd’hui, près de deux millions de Burkinabés, soit 10% de la population sont déplacés, dans le nord et l’est du pays surtout. Et vingt pour cent des écoles du pays ne fonctionnent plus. Pire même : avec l’enrôlement massif de civils comme supplétifs des forces armées, les violences se diffusent et le cycle des vengeances risquent de devenir incontrôlable. Ainsi par exemple, fin décembre, à la suite d’une attaque de jihadistes contre une gendarmerie et une de leur base, de tels supplétifs se sont vengés sur les habitants de quartiers voisins qui en raison de leur appartenance à la communauté peule étaient supposés soutenir les groupes jihadistes. Bilan : plus de quatre vingt morts. En réalité, même si elle est indispensable pour combattre les jihadistes qui eux-mêmes se rendent coupables d’incessants massacres, la force militaire ne peut suffire à les éradiquer.
En effet, pour recruter, ces factions tirent profit de frustrations profondes dans des groupes sociaux et des régions qui ont été depuis trop longtemps négligés par le pouvoir central. Or en dépit de leurs déclarations musclées, les militaires ne sont pas capables de résoudre de tels problèmes de gouvernance, même lorsqu’ils sont aussi bien armés que les soldats français. Mais cela, beaucoup d’Africains de l’Ouest ont du mal à l’admettre : ils ne comprennent pas que la puissante armée française ne puisse venir à bout des guérilleros jihadistes et du coup, ils soupçonnent Paris de duplicité et de visées néo-coloniales. Un soupçon qui fait volontiers mouche au Burkina Faso, le pays de Thomas Sankara, le jeune capitaine révolutionnaire et nationaliste qui dirigea le pays de 1983 à son assassinat en 1987. Une accusation surtout qui est aujourd’hui reprise et amplifiée par la Russie, désireuse d’étendre son influence au sud du Sahara et de mettre la main sur des ressources minière, comme l’or. Si demain, comme cela s’est déjà produit au Mali voisin, des paramilitaires russes du groupe Wagner venaient à remplacer au Burkina Faso les troupes françaises, il est à craindre que ce soient de plus en plus les civils qui paient cette substitution de leur vie.
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