Peut-être cette information n’est-elle parvenue jusqu’à vous. Sauf si vous avez la chance de lire le quotidien La Croix. Il y a quelques jours, les 3 et 4 septembre, près de Paris, se sont retrouvés les prêtres-ouvriers de France. Sur les 300 membres de leur association, seule une vingtaine est encore en activité. Ils furent 1000 dans les années 1970. Ces hommes sont les témoins et les sentinelles d’un magnifique visage de l’Église, celui de la proximité avec la vie des plus modestes d'entre nous, des plus précaires. Comme l’ont été et le sont encore tant de religieuses vivant en quartier populaire ou partageant le travail dans des entreprises de nettoyages, des cantines, des hôpitaux et bien ailleurs.
Que font-ils là les uns et les autres me direz-vous peut-être alors qu’il y a besoin de tant de bras dans l’Église pour la catéchèse, la liturgie ou l’accueil à la paroisse ? Ils font l’essentiel. Être avec les laissés-pour-compte, pour qu’elle n’oublie pas qui est son Seigneur. Car le danger que nous courrons dans l’Église, c’est de connaître par procuration et non intimement la dureté de l’existence confrontée à la précarité financière, des conditions de travail, des humiliations des petits chefs. Ces femmes et ces hommes relèvent la dignité dont le Christ a revêtu chacun.
"Ma conviction profonde, c’est que ceux qui sont en bas de l’échelle, Dieu les aime", dit un ancien prêtre-maçon de 83 ans. Comment témoigner sans être à leurs côtés ? "Être au ras du sol", dit un autre. Oui car c’est là qu’avait choisi d’habiter Jésus, lui le fils du très-haut. Et nous parfois nous nous croyons importants. Mais la vérité de l’humanité est au ras du sol. Un autre encore de témoigner : "La bonne nouvelle c’est pas celle que je parachute moi, c’est de dire comment ensemble on arrive à construire une solidarité, une fraternité."
Le grand théologien dominicain Marie-Dominique Chenu, condamné pour son soutien aux prêtres-ouvriers en 54, puis expert au concile Vatican II, écrivait en février 54 : "Ce ministère est commandé par un acte premier (et très difficile) de présence (au sens fort que nous donnons aujourd’hui à ce mot) : une présence d’Église, que seule réalise une communion de vie. Comment baptiser une civilisation si l’on n’y entre pas ? Une présence, ce n’est certes pas encore un “enseignement”..., ni un sacrement. Mais c’est la condition de la parole, y compris de la Parole de Dieu... C’est la première expression, souvent silencieuse en mots, mais toujours en acte, d’une vraie évangélisation, et du visage alors visible de l’Église"*. Alors profondément toute notre gratitude à ces hommes, comme à ces religieuses, d’être ainsi ce visage de co-humanité, du Dieu d’en-bas, du ras-du-sol. Puissions-nous ne pas l’oublier.
Véronique Margron op.
* Marie-Dominique Chenu, "Le sacerdoce des prêtres-ouvriers", La Vie intellectuelle, février 1954,
p. 175-181.
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