C'est un rapport de l’ONU auquel on ferait bien de prêter attention. Parfois, l’absence de lumière est une bonne excuse pour… fermer les yeux. Et s’il y a bien une région du monde sur laquelle il est difficile de faire la lumière, c’est le Xinjiang, à l’ouest de la Chine. Là, la minorité musulmane ouïgoure est depuis des années réprimée massivement...
On parle de surveillance généralisée, camps de rééducation, travail forcé dans des champs de coton, torture, lavage de cerveau, violences sexuelles, stérilisations imposées… Autant d’exactions dénoncées bien timidement. Et bien sûr, avec son cynisme habituel, Pékin nie tout en bloc.
Mais ce qui change, c’est que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a publié la semaine dernière un rapport. Jusqu’ici, il fallait se contenter de fuites d’informations, d’images de mauvaise qualité, de quelques témoignages relayés par des lanceurs d’alerte. Désormais, dans un document de 46 pages, le constat est sans appel. Les experts de l’ONU se gardent bien d’employer le terme de "génocide", parfois avancé, mais ils n’hésitent pas à parler de possibles "crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité".
La lumière crue que jette ce rapport sur le sort des Ouïgours est un soulagement. Tout porte à croire qu’il était prêt depuis un moment, même, mais que la pression de la Chine avait réussi à retarder sa publication. On se souvient de l’extrême prudence de Michelle Bachelet, la haut-commissaire aux droits de l’homme, à l’issue de sa visite sur place en mai dernier… D’ailleurs, il y a un incroyable symbole dans le moment qu’elle a choisi pour diffuser son rapport : le 31 août, à 23h47… soit 13 minutes seulement avant la fin de son mandat. Comme un ultime acquit de conscience, peut-être.
Ce genre de "prudence" diplomatique est assez courant. Les États et les entreprises ont toujours d’excellentes raisons – stratégiques, économiques ou autres – derrière lesquelles se réfugier pour atténuer leurs compromissions. Ou leur cynisme.
Comme consommateurs, nous ne sommes pas exempts non plus de contradictions. Avons-nous bien conscience, quand nous achetons des vêtements, que 20% de la production mondiale de coton pourrait provenir de la province du Xinjiang ? Comme dans bien des domaines, il faudrait en réalité poser des choix courageux, tant collectifs qu’individuels, pour espérer enrayer un système qui accepte (et parfois encourage) le piétinement des droits humains.
D’autant que la Chine est loin d’être le seul pays à poser problème en la matière. Mais son poids économique lui permet aussi de faire pression dans les instances internationales, y compris par exemple sur des pays musulmans, tristement silencieux concernant les Ouïgours. En France, prenez par exemple le récent retour en grâce de l’Arabie saoudite, qui dit beaucoup de notre vigilance à géométrie variable. Et la prochaine Coupe du monde de football au Qatar – qui est déjà un désastre humanitaire et écologique – a tout pour constituer, au nom du sport et du spectacle, un aveuglement de plus…
Mais là encore, il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !