En décrétant la mobilisation partielle des réservistes russes pour affronter l’Ukraine, Vladimir Poutine a pris un risque politique mais aussi militaire. Politique en premier lieu, car cette décision a provoqué le départ immédiat en exil de dizaines de milliers de jeunes russes, privant un pays en situation démographique déjà précaire d’une main d’œuvre souvent qualifiée. Cette décision a également été accompagnée, en Russie même, de différentes formes de protestations. Des centres d’enrôlement ont été incendiés dans plusieurs régions du pays. Et des manifestations populaires ont été organisées, pas seulement dans quelques grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg, mais aussi dans des régions périphériques, comme le Daghestan, une république du Caucase du Nord.
Ce qui est moins visible dans l’immédiat, ce sont les possibles effets militaires de la mobilisation des réservistes décrétée par le Kremlin. D’abord parce que le nombre de soldats dont les autorités russes espèrent ainsi disposer n’est pas connu. Sergei Shoigu, le ministre de la Défense, a parlé de 300 000 hommes, mais le décret signé par Vladimir Poutine ne fixe aucun volume précis. Sans doute est-ce prudent d’ailleurs, au regard du chaos qui a marqué les premiers jours de cette mobilisation précipitée et qui ont vu des commissaires militaires tenter d’enrôler des hommes qui n’étaient, en principe, pas du tout mobilisables. Mais c’est aussi l’efficacité des soldats une fois qu’ils auront été envoyés sur le front qui pose question.
Une partie de ces soldats n’auront pour toute expérience militaire que le temps qu’ils ont passé sous les drapeaux comme appelés du contingent. Or du fait des réformes de l’armée russe, le service national a été réduit à un an en 2008, contre deux auparavant. Ce qui veut dire que les hommes les plus jeunes, ceux qui appartiennent aux classes les plus récentes d’appelés, ont eu très peu de temps pour mettre en application leur formation initiale. Avant de les envoyer sur le front, il faudrait au moins leur assurer une remise à niveau. Mais les généraux ont besoin de troupes rapidement. Qui plus est, la pratique habituelle dans les forces armées russes, c’est que la formation des hommes soit donnée dans leurs unités, et non pas dans des centres spécialisés extérieurs.
Les unités engagées en Ukraine pourront-elles à la fois combattre et former leurs nouvelles recrues alors que depuis le début de « l’opération militaire spéciale », les pertes ont été élevées dans les rangs des officiers ? Outre une formation qui sera vraisemblablement insuffisante, l’armement des hommes risque de laisser à désirer alors que depuis l’attaque en Ukraine, la Russie a perdu une quantité importante de matériels, depuis les chars jusqu’aux avions, en passant par les véhicules blindés. Et d’ores et déjà, des images circulent sur les réseaux sociaux montrant des réservistes équipés de vieilles kalachnikov rouillées. On peut donc se demander, étant donné les conditions chaotiques de leur mobilisation et de leur envoi sur le front, quelle sera la motivation de ces réservistes, alors que le moral des troupes est peut-être ce qui a fait le plus défaut aux forces russes face aux troupes ukrainiennes depuis février dernier.
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