LA CHRONIQUE D'ALEXANDRE POIDATZ. Pour lutter contre le changement climatique, il est absolument nécessaire de mettre fin à l'extraction des énergies fossiles. Et pour cela, réduire nos empreintes carbone individuelles est loin d'être suffisant. Le changement doit être systémique et passe par l'arrêt des investissements dans les énergies fossiles.
L'empreinte carbone est l'outil le plus utilisé pour calculer notre impact individuel sur le climat, via notre consommation. Il est désormais largement répandu à travers des ateliers comme 2 tonnes ou Inventons nos vies bas carbone. Et, si ce n’est pas (encore) le cas, je vous invite à les expérimenter.
Il a eu beaucoup d’influence positive sur les changements culturels et nos modes de vie ces dernières années. On trouve de plus en plus de personnes dans notre entourage qui boycottent l’avion, réduisent leur consommation de viande, prennent plus le vélo… Et c’est une bonne nouvelle. C’est un outil nécessaire, mais absolument pas suffisant.
La compagnie pétrolière British Petroleum a popularisé cet outil, entre 2005 et 2007, pour se défausser de sa responsabilité sur les consommateurs.
Prenons l’exemple d’un automobiliste qui consomme du gazole dans une station essence. Toutes les émissions de CO2 générées par l’utilisation de l’essence lui sont attribuées. Mais quid de la responsabilité de la compagnie pétrolière qui a produit l’essence ? Ou encore des actionnaires qui détiennent une part de cette entreprise et touchent des dividendes ? Avec l’outil d’empreinte carbone de consommation, aucune émission de CO2 n’est attribuée à la multinationale ou aux actionnaires. D’ailleurs, c’est la compagnie pétrolière British Petroleum qui a popularisé cet outil, entre 2005 et 2007, pour justement se défausser de sa responsabilité sur les consommateurs.
Je le répète : les efforts individuels sont nécessaires, et je me réjouis de toutes les bonnes volonté qui sortent de leur confort en changeant leur mode de vie. Mais je ne crois pas à un changement uniquement par la consommation. Et je ne suis d’ailleurs pas le seul : le Pape François lui-même, dans Laudate Deum, rappelle que "les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions politiques." (LD67)
Les solutions passent donc aussi par la responsabilité des États, des multinationales, et des actionnaires-investisseurs qui ont le pouvoir sur ces entreprises.
Un chercheur, Lucas Chancel, a calculé : si on prend un Français parmi les 10 % les plus riches, il émet 16 tonnes de CO2 par an via l’outil de consommation. Alors qu’il émet en réalité 38 tonnes par an, soit 2 fois plus, si on prend aussi en compte, pas uniquement son mode de vie, mais aussi son épargne (qui va être investie dans des entreprises par exemple).
D'un simple coup de téléphone à son conseiller en patrimoine, un millionnaire ou milliardaire peut facilement transférer son argent d’une major des énergies fossiles vers une entreprise à la pointe des renouvelables.
Regarder aussi l’empreinte carbone d’investissement a le double avantage, d’une part de responsabiliser les grandes entreprises et leurs actionnaires, mais aussi de mettre en lumière ceux qui ont le plus de pouvoir. En effet, les plus riches ne sont pas uniquement responsables individuellement de leur mode de vie, ils ont le pouvoir de faire diminuer leurs émissions et celles des autres par leurs investissements dans des entreprises polluantes. D'un simple coup de téléphone à son conseiller en patrimoine, un millionnaire ou milliardaire peut facilement transférer son argent d’une major des énergies fossiles vers une entreprise à la pointe des renouvelables.
C’est pourquoi il est urgent d’avoir de plus en plus le réflexe de calculer l’empreinte carbone de nos investissements. Suivre l’argent a l’avantage de responsabiliser les plus riches et de réduire les émissions de CO2 de toute la collectivité.
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