LA CHRONIQUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Depuis qu'Emmanuel Macron a parlé de « réarmer » la natalité, un certain nombre de voix s'inquiètent du retour d'une injonction nataliste qui pèserait sur les femmes. Mais attention à ne pas laisser la dimension politique de la démographie occulter les questions personnelles et sociales qu'elle porte.
On ne va pas se mentir : la formule de « réarmement démographique » est une erreur de communication assez lourde. Et on comprend que ce vocabulaire guerrier (très présent ces derniers temps dans la bouche du Président) puisse agacer. Il n’empêche. Est-on toujours obligés de répondre à une outrance par une autre outrance ? à la caricature par davantage de caricature ?
Toute cette agitation, c’est surtout jouer à se faire peur
C’est sûr, une formule comme « Le ventre des femmes n’est pas une affaire d’État », ça claque. Et elles sont frappantes, les références à La Servante écarlate – ce roman de Margaret Atwood où des femmes sont réduites à un rôle reproductif de mères porteuses pour de riches couples. Mais, bon sang : quand le même gouvernement prévoit d’inscrire l’IVG dans la Constitution, franchement, toute cette agitation, c’est surtout jouer à se faire peur.
Pourtant la natalité n’a jamais été aussi basse en France depuis la Seconde Guerre mondiale, et a même chuté de presque 13 % en 12 ans. Il y a tout de même ici une vraie question... Mais surtout une question vraiment complexe. Et le problème (je répète) de jouer à se faire peur en imaginant qu’on veuille forcer des femmes à avoir des enfants qu’elles ne veulent pas…
Il ne faut pas invisibiliser ces couples qui renoncent à avoir tous les enfants qu'ils auraient souhaités
C’est que ces indignations rapides invisibilisent des pans entiers de la réalité. Par exemple : toutes ces femmes et ces hommes qui n’arrivent pas à avoir l’enfant qu’ils désirent. Ou encore : ces couples qui renoncent à avoir tous les enfants qu’ils auraient souhaités.
Non seulement l’infertilité progresse et génère des souffrances trop souvent silencieuses, mais demandez aux gens combien d’enfants ils aimeraient avoir : en moyenne, 2,27… dans les faits, c’est plutôt 1,68. Cet écart entre le désir et la réalité mérite qu’on s’y intéresse. Au-delà des caricatures, donc.
Pour l’heure, ça manque d’ambition. L’idée d’un bilan de fertilité remboursé à 25 ans est plutôt bonne, ne serait-ce que pour aider chacun à éclairer ses choix ou mieux accompagner les difficultés. Mais – soit dit en passant – on pourrait au moins en profiter pour mieux dépister et traiter l’endométriose, qui empoisonne la vie de tant de femmes…
Ça, c’est pour la fertilité. Reste ensuite la question de la natalité. Et là, c’est toute une série de facteurs qu’il faudrait « réarmer » pour espérer encourager les couples à avoir les enfants qu’ils désirent. Car pour la jeune génération, l’écoanxiété ou le désir d’indépendance pèsent bien moins que le manque de crèches et de solutions de garde, la baisse du pouvoir d’achat, la difficulté à se loger, les études longues, la précarisation du début de la vie professionnelle… ou encore la fragilisation de notre modèle social et le détricotage de la politique familiale depuis au moins 15 ans. Pas sûr qu’un congé parental mieux rémunéré mais nettement plus court suffise.
Et pas seulement pour assurer l’avenir de notre système de retraites par répartition. En fait, l’intime et le politique sont étroitement mêlés, car derrière la démographie il y a une question existentielle. Un enfant, c’est aussi un pari de confiance dans l’avenir. C’est même une raison concrète de vouloir encore changer ce monde. Dans une époque si mouvante, est-ce qu’on peut vraiment balayer d’un revers de main une telle boussole ?
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