L'écriture manuscrite est-elle en voie de disparition ?

De nos jours, l'écriture manuscrite semble délaissée et même remplacée par nos outils numériques, comme le téléphone portable ou l'ordinateur, qui dominent notre quotidien ; la technologie prenant le dessus et facilitant nos habitudes de travail, notamment dans le milieu scolaire. Cela impacte-t-il notre concentration et notre mémoire ? La main a-t-elle un rôle particulier à jouer pour notre cerveau ?

L’évolution du numérique menace-t-elle l’écriture manuscrite ?

C’est dans les années 2010 que l’écriture manuscrite a commencé être menacée. Laurence Pierson, graphopédagogue et membre de l’organisme Écriture Paris, décrit "une grande vague d’abandon de l’écriture à cette période". Suivis par le développement des tablettes, des ordinateurs et des smartphones, "le statut de l’écriture a changé de manière radicale dans notre société”, assure Jean-Luc Velay, chercheur associé au Laboratoire de neuroscience cognitive (CNRS) de l'université d’Aix-Marseille. "Quand j’étais enfant, il y avait une exigence sur la beauté de l’écriture. Maintenant, il faut savoir écrire vite, au détriment de certaines qualités comme la beauté ou la créativité, et l’ordinateur a cet avantage de rapidité", explique le chercheur. Cette notion de temporalité a beaucoup changé : "avant, on prenait le temps d’écrire une lettre par exemple, désormais, on envoie des messages, mais la forme n’est pas la même et ça se ressent", explique Jean-Luc Velay. 

Maintenant, il faut savoir écrire vite, au détriment de certaines qualités comme la beauté ou la créativité. 

Laurence Pierson aborde "la valeur affective de recevoir une lettre". Pour les invités, il est aussi fréquent de rencontrer des adultes qui ont de très mauvais souvenirs de l'écriture manuscrite à l'école. Ils évoquent le rapport affectif à l’écriture. "Certains élèves avaient de très mauvaises notes en dictée et écrivaient mal, pour cela ils étaient sanctionnés et dévalorisés”, raconte Jean-Luc Velay. Malgré tout, il y a "un mouvement de recherche d'authenticité dans la vie et dans l'écriture, on retrouve ce plaisir", décrit Laurence Pierson. On parle "d’un regain d'intérêt pour l’écriture", confirme Jean-Luc Velay. 

Les bienfaits cognitifs de l’écriture manuscrite

L’écriture manuscrite favorise la concentration et la mémoire selon les experts. Notre “cerveau est façonné par les mouvements que l’on fait, et la main joue un rôle très particulier, l’écriture est une activité physique précise", explique le neuroscientifique. Ces mouvements de la main développent "la mémoire sensorimotrice, qui joue un rôle quand on lit", complète-t-il. Lors de la lecture, on "réactive les mouvements associés à ces lettres que l’on voit, comme si mentalement il y avait une simulation du geste", affirme Jean-Luc Velay. L’écriture manuscrite travaillerait la mémoire par celle du geste de notre main, on parle de la mémoire des doigts. "Souvent, lorsqu’on ne se souvient plus de l’orthographe d’un mot, on le réécrit et les doigts savent, on a cette mémoire de la main", observe Laurence Pierson.

Notre cerveau est façonné par les mouvements que l’on fait, et la main joue un rôle très particulier. 

Toutefois, ce n’est pas toujours facile d’écrire, mais “ça mobilise beaucoup l’esprit”, souligne Jean-Luc Velay, “quand on écrit à la main, on est plus attentif et on mémorise mieux”, complète-t-il. L'écriture manuscrite sous forme de prise de notes, notamment dans le milieu scolaire, permet souvent une meilleure pertinence à l’école remarque Jean-Luc Velay, “prendre des notes, ça oblige à analyser, à synthétiser, à faire un tri de l'information que l’on reçoit. Les élèves qui notaient les cours à la main avaient souvent de meilleures notes que ceux qui prenaient le cours sur l'ordinateur”, confirme le chercheur. 

L’écriture sert aussi à s’exprimer. 

Néanmoins, au-delà de la mémoire et de l'attention, “l’écriture sert aussi à s’exprimer”, explique Laurence Pierson. Écrire à la main contribue à "l’élaboration d’une pensée et plus aboutie, il y a plus de personnalisation et d'implication dans l’écriture", conclut la graphopédagogue.